«HARALD ZUR HAUSEN constitue une référence quand on parle de papillomavirus et de cancer du col, lance le Dr Joseph Monsonégo (Eurogin) à l'annonce du prix Nobel de médecine attribué au chercheur allemand. Depuis plus d'un an, la communauté scientifique internationale impliquée dans les papillomavirus avait proposé pour le prix Nobel de médecine trois grands noms de la recherche dans ce domaine.» Il s'agissait de l'Australien Ian Frazer, pour ses travaux sur les VLP [Virus Like Particle], utilisées dans l'élaboration du vaccin ; de la Colombienne Nubia Munoz, pour ses recherches épidémiologiques confirmant le lien entre le virus et la survenue du cancer cervical, enfin, de Harald zur Hausen, récompensé aujourd'hui.
«Dans les années 1970, avec son équipe à Heidelberg, il a été l'un des tout premiers à avancer l'hypothèse du rôle carcinogène du papillomavirus sur le col utérin», poursuit Joseph Monsonégo .
La compréhension de l'histoire naturelle de la maladie.
«Quoique virologue, il est connu des cliniciens parce qu'il s'est impliqué dans la recherche. Il a su passer de l'aspect fondamental aux perspectives cliniques. Et même s'il n'a pas contribué directement à l'élaboration des vaccins, ses travaux ont permis de concevoir le principe de la vaccination.» De même, il n'a pas participé aux études épidémiologiques qui ont conduit à la mise en évidence directe du lien entre le virus et le cancer cervical. «Il est aux fondements de la compréhension de l'histoire naturelle de la maladie.»
«J'ai rencontré à plusieurs reprises Harald zur Hausen à l'occasion du congrès Eurogin [European Research Organization on Genital Infection and Neoplasia], se rappelle J. Monsonégo. Il a participé à la première édition en 1995, puis en était président d'honneur, alors qu'il était encore en activité. Au plan humain, c'est un germanique et il ne paraît pas d'accès facile. En réalité, il s'agit d'un homme simple, agréable, toujours prêt à répondre aux sollicitations, à la grande curiosité intellectuelle. Il a cessé de diriger le centre allemand de recherches sur le cancer, à Heidelberg, mais continue à s'occuper d'une revue de renom, l'«International Journal of Cancer». À mon sens, ce Nobel reconnaît aussi l'antériorité de Harald zur Hausen dans la recherche sur le papillomavirus. Il existe un consensus pour dire qu'il a mis en place, voici vingt-cinqans, le processus de reconnaissance du lien entre l'HPV et le cancer du col. »
Le vaccin, consécration d'une recherche
Plus de 5 % des cancers dans le monde sont dus à une infection persistante à papillomavirus. Cet agent infectieux est le plus souvent transmis par voie sexuelle. Il touche de 50 à 80 % de la population. Si plus de cent types d'HPV sont connus, une quarantaine infectent le tractus génital et quinze d'entre eux sont considérés comme oncogènes. Ils sont mis en évidence dans près de 100 % (99,7 %) des cancers cervicaux. Mais le papillomavirus est également impliqué dans des cancers vulvaires, péniens, buccaux et autres.
En France, le cancer invasif du col est encore responsable de 1 000 décès par an et quelque 3 000 nouveaux cas sont découverts dans la même période.
Même si, depuis les années 1950, l'incidence de cette affection redoutable a régressé grâce au dépistage par frottis cervico-vaginaux, il restait un pas à franchir, celui de la prévention.
Grâce aux travaux de Harald zur Hausen, cette étape a pu être franchie : la vaccination contre certains papillomavirus oncogènes. Fin 2006 arrivait sur le marché français le premier vaccin visant les papillomavirus 6, 11, 16 et 18, suivi quelques mois plus tard d'une préparation bivalente ciblant les HPV16 et 18, impliqués dans deux tiers des lésions cervicales.
Chez des jeunes femmes indemnes d'infection par un HPV, ces vaccins se montrent efficaces à près de 100 %, provoquant une ascension des anticorps immunisants.
Le suivi des premières jeunes femmes vaccinées montrent que la protection conférée persiste pendant au moins cinq ans. D'autre part, les travaux les plus récents confirment l'existence d'une immunité croisée vis-à-vis de souches d'HPV non contenues dans les vaccins, dont les souches 31 et 45.
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