Le capitalisme dévoyé de ce début de XXIème siècle serait-il devenu le bagne des sociétés post industrielles ? La question peut paraître un tantinet provocante. Et pourtant, avec les prisons, ce sont désormais les grandes entreprises nationales qui font parler d’elles pour la propension de leurs salariés à quitter, les pieds devant, le monde des cadences infernales et des restructurations à la hache. Variation sur un même thème (celui du suicide) : vendredi dernier le président de l’Assemblée Nationale est allé à la prison de la Santé se rendre compte de l’étendue du désastre en milieu pénitentiaire. Quant au patron de France Telecom, le malaise de ses salariés lui a valu une convocation expresse mardi dans le bureau du ministre du Travail.
Le travail, c’est la santé ? En ces périodes de crise, oublions la ritournelle. Plutôt que de traquer les arrêts de travail abusifs, la société serait mieux inspirée de déclarer l’urgence pour trouver une solution au mal être des salariés. De ce point de vue, la réforme de la médecine du travail s’impose. Ça tombe plutôt bien, puisque syndicats de salariés et patronat ont pondu il y a une huitaine un protocole sur la refonte des « services de santé au travail ». On y lit que la visite médicale du salarié lambda, après avoir été annuelle, puis bisannuelle, pourrait devenir trisannuelle. L’idée est d’espacer la surveillance des travailleurs les moins exposés. Et après tout, pourquoi pas ? Au Généraliste, on est de ceux qui pensent que le médecin de famille reste, dans tous les cas, l’interlocuteur naturel de l’assuré, qu’il soit bébé, bambin, ado, adulte au travail, chômeur ou retraité.
Evidemment, il faudrait en échange réorienter les missions de la médecine du travail en direction des personnels les plus vulnérables. C’est une véritable task force qu’il convient de mettre sur pied pour lutter contre le burn out et le stress au travail, deux maux qui se propagent à la vitesse d’une épidémie. Mais la bataille n’est pas gagnée. D’abord par ce que la notion de travailleur à risque est éminemment subjective. Ensuite, parce que cela suppose d’octroyer un réel droit de cité et d’intervention dans l’entreprise pour le médecin du travail, ce qui est loin d’être le cas. Enfin, parce que ces confrères ne sont pas assez nombreux. Et dans ce contexte, il y a tout lieu de craindre que la réforme en cours ne se transforme finalement en un vaste plan pour pallier, vaille que vaille, à la pénurie annoncée.
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