À LA SUITE d'un avis de la Haute Autorité de santé (HAS), Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, avait, au début de 2006, décidé une baisse du taux de remboursement de 62 médicaments veinotoniques (leur prise en charge par l'assurance-maladie passait de 35 % à 15 %). Un palier, puisque ces médicaments seront totalement déremboursés au 1er janvier 2008. Dans le même temps, le ministère de la Santé avait, toujours dans le sillage des recommandations de la HAS, décidé le déremboursement pur et simple de 156 médicaments à SMR (service médical rendu) jugé insuffisant. Des expectorants, des médicaments de l'appareil digestif, des analgésiques et des médicaments des troubles mineurs du sommeil étaient concernés.
Un peu plus d'un an après, où en est-on ? Ces médicaments ont-ils vu baisser leur taux de prescription, les patients se sont-ils tournés vers l'automédication, ou se sont-ils reportés vers d'autres classes de médicaments toujours remboursés ? Une étude de la Mutualité française répond (en partie) à ces questions.
Effondrement des prescriptions.
Premier enseignement de ce travail : «Les déremboursements se sont traduits par un effondrement (– 50 % entre 2005 et 2006) des prescriptions» des médicaments visés par cette mesure, indique la Mutualité. Ce mouvement ne s'est accompagné que d'une hausse de 33 % de l'automédication, «largement insuffisante, précise la Mutualité, pour compenser la baisse des volumes de prescription».
Dans le même temps, ces médicaments déremboursés n'étant plus soumis à un système de prix administrés (un système propre aux médicaments remboursés), leurs prix ont sensiblement augmenté : selon les données de la Mutualité, l'envolée a commencé dès que le déremboursement a été effectif, pour se stabiliser en août 2006, avec une hausse moyenne d'environ 36 %. En cumulant baisse des prescriptions et hausse des prix, la Mutualité calcule que «le chiffre d'affaires des médicaments dérem- boursés au 1ermars a diminué de 41% entre 2005 et 2006, passant de 657millions d'euros à 384millions d'euros, alors que les volumes ont diminué de 50% sur la même période».
A noter cependant que, toujours selon les chiffres de la Mutualité, la hausse des prix de ces médicaments s'explique par plusieurs facteurs : en moyenne, le prix fabricant hors taxe moyen a contribué pour 26 % à la hausse du prix final, la marge moyenne des grossistes et des pharmaciens pour 60 %, tandis que la TVA (qui est différente selon qu'il s'agit de médicaments remboursés ou non) y a contribué pour 14 %. Plus de la moitié de la hausse moyenne serait donc imputable aux seuls grossistes et pharmaciens.
Du côté des veinotoniques, dont le taux de remboursement est passé de 35 % à 15 % jusqu'au 1er janvier 2008, date à laquelle ils seront totalement déremboursés, la Mutualité constate que 74,5 millions de boîtes ont été vendues en 2006, avec ou sans prescription (les veinotoniques sont des médicaments à prescription facultative), contre près de 94 millions de boîtes en 2005, soit une baisse de 20,6 % des ventes. En revanche, et contrairement aux médicaments totalement déremboursés, l'automédication n'a que peu progressé, de 29 % par rapport à 2004 et 2005, et elle ne représente, malgré cette hausse, que 5 % du total des ventes. «Les patients achètent des veinotoniques essentiellement lorsqu'ils leur sont prescrits», indique à ce sujet la Mutualité. Un réflexe compréhensible lorsque l'on sait que seuls les médicaments non remboursés peuvent faire l'objet d'une publicité directe auprès des patients. Il sera donc intéressant d'observer la hausse de l'automédication en matière de veinotoniques lorsqu'ils seront totalement déremboursés.
La Mutualité rappelle que le gouvernement avait annoncé que la baisse du taux de remboursement des veinotoniques s'accompagnerait d'une baisse de 20 % de leur prix de vente. Dans les faits, la baisse réelle n'aura été en moyenne que de 12 %. Si l'on fait le cumul de la baisse des volumes (21 %) et de la baisse des prix de ces spécialités (12 %), le chiffre d'affaires des veinotoniques aura baissé de 29,6 % entre 2005 et 2006. Enfin, l'étude fait état d'une «modification de la structure de prescription vers les veinotoniques les moins chers».
L'étude de la Mutualité fait malheureusement l'impasse sur un sujet central : si les ventes de veinotoniques ont chuté de 20,6 % en volume, elle ne dit pas si cette baisse des ventes a été suivie ou non par un transfert des prescriptions sur d'autres classes thérapeutiques mieux remboursées.
« Erreur fondamentale ».
A la Fspf (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), le vice-président Jean-Pierre Lamothe a un début d'explication : «Depuis le passage des veinotoniques à 15%, on n'a jamais autant vendu de bas et de chaussettes de contention. Ça a été la même chose quand on a déremboursé l'Euphytose. Les ventes de Xanax et de Lexomil avaient alors explosé.»
Plus généralement, Jean-Pierre Lamothe doute de l'effet à long terme de ces déremboursements totaux ou partiels, et parle à ce sujet «d'erreur fondamentale de l'Etat». Selon lui, la principale conséquence des vagues de déremboursement de ces dernières années est d'avoir conduit les industriels à réorienter leurs forces de ventes et leurs visiteurs médicaux vers des médicaments plus chers et mieux remboursés. «Les grands gagnants, assure-t-il, ce sont les complémentaires car elles ont moins à rembourser sur des produits pris en charge à 65%.»
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