Dans un territoire que l'on peut supposer parmi les plus préservés de la planète, le Groenland, la fréquence de l'atopie a pratiquement doublé entre 1987 et 1998. Ce résultat, publié par des auteurs danois dans le « Lancet », se base sur des comparaisons des IgE sériques dans des échantillons de sérum prélevés lors de campagnes de dépistage de la syphilis, en 1987, puis du VIH, onze ans plus tard. Les deux campagnes ont été menées sur la côte ouest du Groenland, dans des populations qui ne se recoupent pas, mais qui restent parfaitement comparables.
Conservés depuis 1987, 410 échantillons sériques, et 490 échantillons prélevés en 1998, ont donc été testés pour le taux d'IgE totales, et pour la présence d'IgE spécifiques, dirigées contre un pool d'antigènes fréquents (herbe, bouleau, armoise, chien, chat, cheval, Cladosporium herbarum, mite).
Les résultats sont éloquents, puisque l'incidence de l'atopie chez les 15-80 ans est passée de 10 % en 1987 à 19 % en 1998. Chez les adolescents de 15-19 ans, l'incidence a été multiplée par un facteur 5, passant de 4 à 20 %. Enfin, indépendamment de ce maximum à l'adolescence, toutes les tranches d'âge sont concernées par l'accroissement de la prévalence.
Comme la variation de l'incidence avec l'âge était identique entre 1987 et 1998, il est peu probable que l'augmentation de l'incidence, observée dans l'intervalle, soit due à un effet de cohorte. Entre 1987 et 1998, des facteurs de risque ont augmenté, qui concernent aussi bien l'adulte que l'enfant.
L'évolution de l'atopie au Groenland suit donc parfaitement l'évolution générale, dans les pays industrialisés. Le fait est plutôt surprenant, dans la mesure où le Groenland échappe, pour le moment, aux facteurs classiquement désignés dans les centres urbains occidentaux, en particulier la pollution automobile et industrielle, les pollens « exotiques » des nouvelles essences plantées (puisque les essences locales ne poussent dorénavant plus en ville). Apparemment, il faut regarder au-delà de ces facteurs, qui n'auraient valeur que de symptômes. Les auteurs concluent par une phrase curieuse, dénotant autant d'ignorance des facteurs en cause que de conviction quant à la direction des recherches. « Nous ne connaissons pas les facteurs de risque responsables de l'accroissement de l'atopie, depuis que le Groenland est entré dans des transformations majeures touchant au mode de vie, en particulier une urbanisation rapide, et le passage d'une société traditionnelle de chasse et de pêche à une société moderne, dans laquelle la majorité de la population travaille dans le commerce, l'administration ou les services. »
T. Grove Krause et coll. « Lancet 2002 » ; 360: 691-92.
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