Stent, prothèse aorto-iliaque
M. Georges C., 75 ans, est en relatif bon état général. Cet ancien chef d'entreprise a fumé jusqu'à l'âge de 71 ans, âge auquel il fait un infarctus du myocarde postérieur dont l'évolution sera favorable. Deux stents ont néanmoins été posés. Il a également une artérite évolutive des membres inférieurs associée à un anévrisme de l'aorte descendant opéré l'année suivant l'infarctus du myocarde (prothèse aorto-iliaque). On vient de lui découvrir un diabète de type II. Il est traité immédiatement par l'insuline car il a une insuffisance rénale avancée sur rein unique droit (clairance de la créatinine mesurée par la formule de Cockcroft à 22 ml/min). L'insuffisance rénale est la conséquence d'un infarctus rénal secondaire à une thrombose de l'artère rénale gauche, survenu dans les années précédentes et qui est passé totalement inaperçu.
Néphropathie ischémique
Depuis la mise en évidence de cette néphropathie ischémique, l'absence de sténose athéromateuse de l'artère rénale droite est contrôlée chaque année par écho-Doppler.
Il n'y a pas de rétinopathie diabétique. La microalbuminurie est à 120 mg/24 h. Il existe une surcharge pondérale avec un indice de masse corporelle à 29,5 kg/m2. Pour optimiser le contrôle de l'hypertension artérielle (cible de 130/80 mmHg chez un diabétique), le patient reçoit une association de plusieurs antihypertenseurs : un antagoniste calcique, un sartan, un bêtabloqueur et un diurétique, ce qui permet d'approcher la cible recherchée chez un diabétique (132/81 mmHg à la consultation).
Enfin, le patient a une dyslipidémie traitée par régime et statine, la cible visée étant de 1 g/l de LDL cholestérol. Le patient est sous aspirine et antivitamine K depuis son infarctus du myocarde et après le remplacement prothétique du carrefour aorto-iliaque.
L'apparition d'une anémie à 10,5 g/dl, rapportée à l'insuffisance rénale chronique, conduit le médecin traitant à envisager la mise en place d'un traitement par un agent stimulant l'érythropoïèse (ASE). Cette anémie est normochrome, normocytaire, peu régénérative.
Le bilan martial donne les résultats suivants : ferritine sérique : 80 ng/l, saturation de la transferrine 18 %. Il existe un syndrome inflammatoire modéré avec une C Réactive Protein (CRP) à 12 mg/l.
Commentaire 1
Evaluer la sévérité de la maladie athéromateuse.
Les facteurs de risque vasculaire chez ce patient étaient sévères avant la survenue de l'infarctus du myocarde : un tabagisme, une hypertension artérielle, une hypercholestérolémie. De plus, l'apparition d'un diabète ajoute un facteur de gravité supplémentaire. Il faut donc rattacher à la sévérité de la maladie athéromateuse la survenue des événements cliniques graves que sont l'infarctus du myocarde, l'aortite avec anévrisme, l'artérite des membres inférieurs et l'insuffisance rénale d'origine ischémique.
La réduction néphronique de 50 % secondaire à l'infarctus rénal gauche est la conséquence d'une sténose athéromateuse de l'artère rénale gauche passée inaperçue et compliquée ensuite d'une thrombose. L'insuffisance rénale est aujourd'hui sévère, de stade 4 (de 15 à 30 ml/min de clairance glomérulaire). La néphropathie vasculaire associe une néphroangiosclérose par artériosclérose et artériolosclérose distale et une atteinte athéromateuse des plus gros vaisseaux. L'insuffisance rénale a pu être aggravée également en per- ou postopératoire de la réparation du carrefour aorto-iliaque par la migration d'embols de cholestérol dans le rein droit.
Commentaire 2
Savoir interpréter la microalbuminurie.
Peut-on évoquer une glomérulopathie diabétique débutante ? Le niveau actuel de la microalbuminurie est de 120 mg/24 h, ce qui peut très bien s'expliquer par la seule réduction néphronique et la surcharge pondérale. La réduction néphronique, l'obésité, le diabète non contrôlé sont des facteurs d'augmentation de la filtration glomérulaire et donc de microalbuminurie. L'absence de rétinopathie diabétique n'est pas en faveur de complications glomérulaires dégénératives du diabète. Enfin, si la glomérulopathie diabétique était une cause de l'insuffisance rénale chronique (IRC), il y aurait obligatoirement une protéinurie, c'est-à-dire un niveau de microalbuminurie supérieur à 300 mg/24 h.
Il est néanmoins nécessaire de surveiller l'évolution de cette microalbuminurie. Le fait que le patient ait une tension artérielle proche de la cible recommandée chez un diabétique (130/80 mmHg) doit contribuer à stabiliser, voire à diminuer, le niveau actuel de la microalbuminurie. De plus, le patient reçoit un sartan, molécule antihypertensive pouvant prévenir la progression d'une néphropathie diabétique. Le contrôle du diabète par l'insuline est également essentiel pour prévenir l'apparition d'une néphropathie diabétique. La cible de l'HbA1c doit être inférieure à 7 %.
Commentaire 3
Conduite vis-à-vis de l'anémie.
L'insuffisance rénale chronique est la cause de cette anémie non régénérative, normochrome et normocytaire. En 2005, l'AFSSAPS émettait la recommandation suivante : «Une hémoglobinémie supérieure à 12g/dl n'est pas recommandée chez les patients qui ont une cardiopathie grave, un diabète avec artériopathie oblitérante des membres inférieurs…» En octobre 2007, l'agence européenne de pharmacovigilance (European Medicines Agency) précise que le traitement par ASE de l'anémie secondaire à l'insuffisance rénale chronique ne doit débuter que lorsqu'il existe des signes cliniques traduisant une mauvaise tolérance à cette anémie. D'autre part, l'agence introduit de nouvelles cibles du traitement par ASE : ne commencer ce traitement que si le taux d'hémoglobinémie est inférieur à 10 g/l, la cible à atteindre devant être comprise entre 10 et 12 g/l.
Ces recommandations s'appuient sur les résultats d'études cliniques montrant une augmentation du risque de survenue d'accidents cardio-vasculaires lorsque le taux d'hémoglobinémie sous traitement par ASE dépasse 12 g/l, notamment chez des patients considérés à haut risque vasculaire. C'est le cas de ce patient.
Le maintien d'un taux d'hémoglobinémie entre 10 et 12 g/l chez un patient en insuffisance rénale chronique ne relève pas uniquement du traitement par ASE. Le contrôle du stock martial peut contribuer également à cet équilibre. Bien que l'anémie ait été considérée comme normocytaire, le bilan biologique martial montre une certaine carence puisque le taux de ferritinémie est inférieur à 100 ng/ml et celui de la saturation de la transferrine inférieur à 20 %. Il est possible que le syndrome inflammatoire chronique, probablement secondaire aux lésions inflammatoires de l'athérome contribue à une carence « qualitative » en fer, à côté d'une probable carence quantitative.
En conclusion, tant que le taux d'hémoglobinémie demeure supérieur à 10 g/dl, le traitement par ASE n'est pas indiqué chez ce patient. En revanche, une supplémentation par un sel ferrique peut contribuer à maintenir un taux de ferritinémie entre 100 et 300 ng/ml et celui de la saturation de la transferrine entre 20 et 40 %.
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