Beaucoup de psychologie
La prise en charge d'un couple dont un seul membre présente une infection à HSV2 symptomatique réclame beaucoup de psychologie de la part du médecin, car il s'agit non seulement pour lui d'expliquer à ce couple comment prévenir la transmission de la maladie de l'un à l'autre membre (si aucune précaution n'est prise, le risque de contamination du (ou de la) partenaire indemne atteint 10 % par an), mais aussi de s'efforcer de combattre le vécu anxiogène induit par l'herpès génital chez la personne atteinte, du fait du caractère récidivant des poussées et de la crainte d'être rejetée par l'autre membre du couple ou de le contaminer.
Le statut du partenaire
Le couple qui pose le problème de prise en charge le plus important est celui dans lequel un des membres est atteint d'une infection à HSV2 avérée, alors que l'autre n'a encore jamais présenté de symptomatologie herpétique. La première chose à faire est alors de faire pratiquer, chez ce dernier, une sérologie spécifique afin de s'assurer qu'il n'est pas porteur asymptomatique du virus.
Si le contrôle sérologique se révèle positif, cela prouve que la personne est elle-même infectée ; dans ce cas, elle peut avoir méconnu sa maladie soit parce qu'elle est asymptomatique, soit parce qu'elle n'a jamais soupçonné l'origine herpétique des manifestations cliniques qu'elle présente.
Si la sérologie est négative, cela confirme que la personne n'a encore jamais été en contact avec le virus HSV2. Il y a alors lieu d'informer le couple sur les précautions à prendre pour éviter que celui des deux partenaires qui n'est pas infecté ne soit à son tour contaminé. L'éducation de la personne infectée et de son (ou sa) partenaire constitue donc un temps essentiel, comme l'a souligné la conférence de consensus qui s'est tenue en novembre 2001 sous l'égide de l'Association française de dermatologie (2). Ce travail d'éducation consiste à informer les deux partenaires sur l'histoire naturelle de l'herpès génital, notamment sur les facteurs favorisant la survenue des poussées herpétiques, dont les deux principaux sont le stress et la période des règles chez la femme. Ainsi, à un couple dont la femme déclare qu'elle a une poussée d'herpès à chaque menstruation, il est logique de conseiller l'abstention de tout rapport sexuel ou l'utilisation de préservatifs avant la période de survenue des règles.
Discours réconfortant
En raison du retentissement psychologique qu'a l'herpès génital sur le couple, le médecin se doit de porter une grande attention aux interrogations et aux craintes formulées par ce dernier. Le discours qui lui est tenu doit viser à dédramatiser la situation sans pour autant la banaliser. L'herpès génital ayant un impact très négatif sur la qualité de vie de la personne qui en est atteinte, le médecin doit également s'efforcer d'apporter des réponses aux plaintes et souffrances exprimées par celle-ci : trouble de la libido, sentiment d'impureté, etc.
Enfin, dans le cadre de cette information du couple, il importe de corriger deux idées fausses très répandues dans le public. La première est que l'herpès génital influerait défavorablement sur la fertilité, et la seconde, peut-être plus grave encore, est qu'il favoriserait la survenue d'un cancer génital ; en effet, il arrive souvent que les gens fassent un amalgame entre virus herpétique et papillomavirus.
Dès lors que la séronégativité du (ou de la) partenaire est confirmée, il n'est pas utile d'instaurer une surveillance sérologique systématique. Un contrôle ne sera pratiqué que si cela est nécessaire pour soulager l'anxiété du couple à l'égard du risque de contamination.
Rapports protégés
Les études menées pour cerner les facteurs favorisant la transmission du HSV2 entre partenaires sérodiscordants montrent toutes que l'utilisation de préservatifs joue un rôle préventif primordial (3). Une étude publiée dans « Sexually Transmitted Diseases » en 2005 a montré que, au terme de 41 mois de suivi, 25 % des sujets masculins de l'étude qui étaient auparavant séronégatifs à l'égard du HSV2 avaient été contaminés par leur partenaire porteuse du virus (4). Les principaux facteurs ayant favorisé la contamination étaient l'absence d'utilisation de préservatif, les antécédents d'infection sexuellement transmissible, les rapports sexuels non protégés lors d'épisodes symptomatiques et une relation stable et ancienne avec la même partenaire. Cette dernière observation, quelque peu inattendue, s'expliquerait par le fait qu'un couple stable ayant une relation de longue date se montre moins enclin à recourir au préservatif lors des rapports sexuels.
La révélation
Il est un autre aspect pour lequel le médecin peut avoir un important rôle de conseil à jouer : c'est lorsqu'une personne atteinte d'herpès génital ne sait pas comment l'annoncer à son (ou sa) partenaire. Cette révélation est souvent très difficile pour la personne en question, celle-ci craignant d'être rejetée (d'autant plus que la relation est récente), ce qui peut la conduire à adopter la « politique de l'autruche ». Une enquête britannique menée parmi des hommes et des femmes présentant une infection à HSV2 a ainsi établi que seulement 62 % d'entre eux avaient révélé leur infection à leur partenaire, ce qui signifie que 38 % s'étaient abstenus d'en parler (5). L'étude a, par ailleurs, montré que les sujets infectés avaient éprouvé davantage de facilité à faire état de leur maladie auprès d'une partenaire régulière que d'une partenaire occasionnelle.
Il est, bien sûr, impératif que la personne infectée informe son (ou sa) partenaire de son état, mais les conditions dans lesquelles cette révélation est faite jouent un rôle déterminant : il est préférable que la personne aborde la question par étapes successives en s'enquérant de la connaissance que son (ou sa) partenaire a de l'herpès génital. Surtout, le problème doit être abordé à un moment propice, dans un environnement favorable : faire cette annonce par téléphone n'est sûrement pas l'attitude à conseiller.
Documents, contacts...
Le conseil est donc un aspect majeur de la prise en charge d'un couple sérodiscordant. Il est important de dire aux deux membres du couple qu'ils ne doivent pas hésiter à revenir (ensemble ou séparément) s'ils ont des questions à poser, de leur proposer des documents d'information et de leur communiquer des numéros de téléphone d'associations et des sites Internet où ils pourront obtenir de plus amples renseignements. Lorsque les problèmes psychologiques auxquels le couple est confronté sont importants, il est souhaitable d'orienter ce dernier vers une consultation spécialisée.
Quelques associations (liste non exhaustive) :
• Association Herpès : 0.825.80.08.08, www.herpes.asso.fr.
• Association nationale de prévention contre les infections sexuellement transmissibles : www.hf-prevention.com.
• International Herpes Alliance : www.herpesalliance.org/resources.htm#french.
• Fil Santé Jeunes : 0.800.235.236 (appel anonyme et gratuit) ; www.filsantejeunes.com.
Quelques sites d'information grand public (liste non exhaustive) :
• www.doctissimo.fr.
• www.passeportsante.net.
• http://fr.wikipedia.org.
(1) Malvy D, Halioua B, Lancon F et coll. Epidemiology of genital herpes simplex virus infections in a community-based sample in France : results of the HERPIMAX study. « Sex Transm Dis » 2005 : 32 : 499-505.
(2) Consultable sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/herpes_ court.pdf.
(3) Wald A et coll. Effect of condoms on reducing the transmission of herpes simplex virus type 2 from. men to women. « JAMA » 2001 ; 285 : 3100-3106.
(4) Rana R K et coll. Demographic, behavioral and knowledge factors associated with herpes simplex virus type 2 infection among men whose current female partner has genital herpes. « Sex Transm Dis » 2005 ; 32 (5) : 308-313.
(5) Green J et coll. Determinants of disclosure of genital herpes to partners. « Sex Transm Inf » 2003 ; 79 : 42-44.
La contamination oro-génitale
Chez un sujet qui est atteint d'herpès génital, seule la sérologie spécifique peut permettre d'établir si le virus en cause est de type 1 ou 2. En effet, contrairement à HSV2, HSV1 peut être pourvoyeur aussi bien d'herpès labial que d'herpès génital, la contamination s'effectuant, dans ce dernier cas, lors d'une pratique oro-génitale. En effet, nombre de gens ignorent, en particulier parmi les jeunes, que, lorsqu'une personne a un « bouton de fièvre », elle peut transmettre le virus HSV1 à son partenaire par le simple fait de lui prodiguer une fellation. Il n'est que dans le cas d'une personne présentant une sérologie positive pour le virus HSV2 que l'on peut affirmer qu'elle a été contaminée au cours d'une relation sexuelle.
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