De notre correspondante
à New York
POUR COMPRENDRE l'étude présentée dans le « New England Journal of Medicine », il est utile de récapituler un certain nombre de données récentes.
Tout d'abord, si la cause première du diabète de type 2 demeure inconnue, on sait que la résistance à l'insuline dans le muscle est décelée de dix à vingt ans avant le diabète. En outre, la résistance à l'insuline chez les enfants diabétiques de type 2 est le meilleur prédicteur d'apparition de l'affection.
Ensuite, la fonction de la cellule bêta décline progressivement pendant dix ans avant l'apparition de l'hyperglycémie diabétique.
Troisième point, un excès de triglycérides intracellulaires dans le foie et le muscle est observé dans le diabète de type 2 . Cette accumulation contribue, par compétition avec le glucose, à la résistance à l'insuline.
Le récepteur nucléaire PPARgamma.
Enfin, la troglitazone améliore la sensibilité à l'insuline (et prévient la survenue de ce diabète dans une population à risque) en interagissant avec le récepteur nucléaire PPARgamma (peroxisome-proliferator-activated receptor gamma). Un coactivateur de ce récepteur a été découvert : PGC-1, et, dans des études de populations, un polymorphisme fréquent du PGC-1 est associé à un risque élevé de diabète de type 2 . Les obèses aux antécédents familiaux de diabète ont aussi une expression réduite de PGC-1. Or PGC-1 est un coactivateur transcriptionnel crucial pour la synthèse des enzymes mitochondriales responsables de l'oxydation des acides gras (processus localisé presque exclusivement dans la mitochondrie). Une étude récente, chez des diabétiques de type 2, a montré une baisse de la capacité oxydative de la mitochondrie.
Petersen, Shulman et coll. (université de Yale, New Haven, CT) montrent, aujourd'hui, qu'il existe chez de jeunes sujets résistants à l'insuline, une dysfonction mitochondriale qui lie potentiellement les deux anomalies du muscle et de la cellule bêta dans le diabète de type 2.
L'étude a porté sur 26 jeunes adultes, minces et en bonne santé. Quatorze d'entre eux étaient résistants à l'insuline, avec un antécédent familial de diabète de type 2 (un parent ou grand-parent et un autre membre de la famille). Les douze autres non résistants à l'insuline ont servi de témoins (appariés selon l'âge, le poids, la taille et l'activité physique).
Lipides des cellules musculaires.
Un examen par spectroscopie de résonance magnétique H1 démontre que la résistance à l'insuline dans le muscle squelettique de ces descendants diabétiques est associée à une augmentation des lipides dans les cellules musculaires (de 80 %).
Cette augmentation est probablement due a une dysfonction mitochondriale, car la spectrométrie de résonance magnétique P31 indique dans le muscle une baisse de 30 % de la production mitochondriale d'ATP (phosphorylation oxydative). Il n'y a pas, par ailleurs, de différence de lipolyse (globale ou localisée) entre sujets résistants et témoins, ni de différence pour les taux plasmatiques d'hormones adipocytaires (TNFalpha, Il-6, résistine, adiponectine) impliquées précédemment dans la résistance à l'insuline.
Ces résultats suggèrent que « la résistance à l'insuline chez ces jeunes personnes pourrait être due a une dysrégulation du métabolisme intramyocellulaire des acides gras, laquelle pourrait être causée par une anomalie héréditaire de la phosphorylation oxydative mitochondriale », concluent les chercheurs.
Cette dysfonction mitochondriale pourrait aussi expliquer la baisse progressive de la fonction des cellules bêta, suggèrent-ils.
Dans une précédente étude chez des sujets âgés, minces et résistants à l'insuline, l'équipe a mis en cause également une baisse de la fonction mitochondriale, cette fois-ci acquise avec le vieillissement.
« Cette recherche suggère que des gènes nucléaires régulant la biogénèse de la mitochondrie pourraient être impliqués dans la pathogenèse du diabète de type 2 et que la biogenèse de la mitochondrie représente une nouvelle cible thérapeutique pour le traitement et peut-être la prévention du diabète de type 2 », déclare au « Quotidien », le Pr Gerald Shulman (université médicale de Yale, CT), qui a mené la recherche. « Nous cherchons maintenant à déterminer si cette baisse d'activité mitochondriale est due à une réduction du contenu en mitochondries et/ou à une baisse de fonction mitochondriale, et si ces anomalies peuvent être corrigées par l'exercice physique. »
« New England Journal of Medicine », 12 février 2004, pp. 639 et 664.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature