De notre envoyé spécial
Les statines ont largement démontré leur efficacité sur la morbi-mortalité coronaire, mais les données coronarographiques portaient sur des groupes numériquement faibles et, de plus, elles sont relativement anciennes (1985-1995). Surtout, elles ne mettent en évidence, au mieux, qu'un ralentissement de la progression de la plaque, ce qui fut le cas pour la pravastatine. Le Dr Steve Nissen souligne que le choix de cette molécule comme comparateur était donc parfaitement justifié, d'autant qu'elle a largement démontré son efficacité en prévention primaire et secondaire. Le rationnel de Reversal était donc de comparer la plus forte dose autorisée de pravastatine (40 mg) et la plus forte dose d'atorvastatine (80 mg) chez des patients coronariens présentant une sténose d'au moins 20 % et dont le taux de LDL initial (après huit semaines de wash out) était compris entre 125 et 210 mg/dl. Cela en utilisant l'échographie endocoronaire (IVUS), qui s'est révélée supérieure à la coronarographie pour apprécier le volume de la plaque athéromateuse (voir encadré).
Au total, 654 patients dont le LDL initial était, en moyenne, de 150,2 mg/dl ont été inclus par 34 centres américains ; 502 ont terminé l'essai (249 dans le bras pravastatine et 253 dans le bras atorvastatine).
Des différences significatives
Comme on pouvait s'y attendre, la réduction du LDL cholestérol est significativement plus importante sous atorvastatine : - 46 % contre - 25 % (p < 0,0001). Par ailleurs, 97 % des patients sous Tahor atteignent les objectifs thérapeutiques pour le LDL-cholestérol contre 67 % sous pravastatine.
Par ailleurs, la réduction du taux de CRP, le principal marqueur de l'inflammation, est significativement supérieure sous atorvastatine : - 36,4 % versus - 5,2 % (p < 0,0001). Le critère principal de l'étude était cependant l'évolution du volume de la plaque, sous traitement ; il diminue très légèrement et non significativement (- 0,4 %) sous Tahor, alors qu'il augmente de + 2,7 % sous pravastatine (p = 0,0244). Les différences sont tout aussi significatives si l'on considère les critères échographique secondaire, volume total de la plaque (p = 0,02), pourcentage du volume obstructif p = 0,0002).
Dans tous les sous-groupes
Par ailleurs, la supériorité de Tahor apparaît dans les 22 sous-groupes prédéfinis en fonction de l'âge, du sexe, de la prise antérieure ou non de statines, de l'existence ou non de comorbidités (diabète, syndrome métabolique, hypertension), de l'atteinte ou non de l'objectif de LDL cholestérol (100 mg/dl).
Enfin, la tolérance clinique et biologique a été également bonne dans les deux groupes, avec très peu d'élévation des taux enzymatiques (de 0 à 1,3 % des cas, selon les enzymes).
Le Dr Steve Nissen reconnaît que l'étude Reversal n'apporte pas de données nouvelles sur la morbi-mortalité, qui est aujourd'hui le principal critère guidant les choix thérapeutiques (il aurait fallu pour cela plus de 8 000 patients suivis pendant au moins cinq ans). Mais, ajoute-t-il, il existe de nombreuses études établissant un lien entre la progression de l'athérosclérose et la survenue d'événements cardio-vasculaires.
Or il apparaît clairement que, même si elle ne fait pas globalement régresser le volume de la plaque, l'atorvastatine bloque la progression. De plus, certains patients enregistrent des régressions nettes. Tel n'est pas le cas pour la pravastatine, y compris pour les 67 % de patients qui atteignent l'objectif de LDL cholestérol (p = 0,01). Ce qui conduit le Dr Steve Nissen à penser que la différence d'efficacité des deux molécules sur la plaque pourrait, du moins partiellement, s'expliquer par la CRP. Par ailleurs, cette étude confirme que la plaque d'athérome est encore très active sous traitement et que seule une thérapeutique hypocholestérolémiante agressive permet de stopper son évolution.
Congrès de l'American Heart Association.
L'apport de l'IVUS
Depuis les travaux de Glagov, en 1987, on sait que le développement de l'athérome correspond en partie à un remodelage de la paroi qui ne modifie pas la lumière artérielle ; d'où l'incapacité de la coronarographie à déceler certaines lésions potentiellement dangereuses.
L'échographie endocoronaire (IVUS) permet de résoudre ce problème, tout en confirmant la thèse de Glagov ; des travaux de Steve Nissen ont montré que jusqu'à 40 % de la plaque d'athérome, correspondant à une sténose significative, pouvait échapper à la coronarographie, étant située à la partie externe de la limitante externe du vaisseau.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature