LE CALENDRIER est parfois cruel. Juste avant que Jean-Marie Spaeth, 59 ans, annonce, avec « le sentiment du devoir accompli », son prochain départ de la présidence de la Cnam (en octobre, lors de la mise en place du nouveau conseil), la commission des comptes de la Sécu confirmait le pire résultat de l'histoire de la branche maladie, avec un déficit de plus de 13 milliards d'euros en 2004.
La décision de Jean-Marie Spaeth, après huit années de présidence (il avait ravi la caisse nationale à FO en juillet 1996), mais aussi le départ imposé du directeur de la Cnam, Daniel Lenoir, après deux ans et demi à ce poste, signent la fin d'une ère.
Les adieux de cette équipe coïncident en effet avec la mise en place d'une nouvelle « gouvernance » de l'assurance-maladie, marquée par la concentration des pouvoirs au profit d'un homme désormais désigné par tous les experts comme « le seul pilote dans l'avion ». Nommé mercredi dernier en conseil des ministres directeur de la future Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), Frédéric Van Roekeghem, bras droit de Philippe Douste-Blazy, aura également la haute main sur la Cnam et sur les caisses primaires, dont il désignera les directeurs. Le nouvel homme fort de l'assurance-maladie a déjà annoncé qu'il entendait « mettre en place un véritable partenariat avec les professionnels de santé ».
Chassang : « Aucune acrimonie. »
Ancien mineur, proche de Nicole Notat, Jean-Marie Spaeth laisse aux médecins le souvenir d'un homme « droit dans ses bottes », défendant bec et ongles ses convictions (pour les filières de soins, l'assurance-maladie universelle, contre la liberté tarifaire...) dans un environnement souvent tourmenté. Jalonnée notamment par les plans Juppé, Aubry et Guigou, par les reversements d'honoraires et les lettres-clés flottantes, sa présidence fut rarement calme. « Jean-Marie Spaeth a incarné une période de l'histoire de l'assurance-maladie qui n'a été ni des plus faciles ni des plus glorieuses, analyse le Dr Michel Chassang, président de la Csmf. Il aura été l'homme orchestre - ou l'exécutant - du funeste plan de 1995. Force est de constater qu'il a suivi un peu le même trajet que ce plan, davantage synonyme d'échec que de réussite. Il est légitime que la page soit tournée. Cela étant, nous n'avons aucune acrimonie vis-à-vis du personnage, qui est plutôt agréable. Sa tâche n'a pas été facile. » Des propos mesurés qui contrastent avec certains sobriquets ( « psychorigide », « techno »...) dont le président de la Cnam fut parfois affublé.
Refusant de céder aux médecins dans la bataille du C à 20 euros (avant l'intervention directe du gouvernement), Jean-Marie Spaeth n'a laissé aucun responsable médical indifférent. « Cet homme de conviction, défendant l'universalité de l'assurance-maladie, n'a jamais admis l'insuffisance de rémunération des actes médicaux, notoirement sous-évalués, déplore le
Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF. En ce sens, notre politique a été contrecarrée en permanence. Jean-Marie Spaeth me laisse le souvenir d'un homme d'une intransigeance affirmée. »
L'homme des contrats.
Sa présidence aura également été marquée par l'informatisation médicale via Sesam-Vitale, la structuration du réseau de l'assurance-maladie et l'enrichissement de la vie conventionnelle avec l'ensemble des professions de santé (les kinés, par exemple). « Une palette de contrats vecteurs de l'amélioration de la qualité des soins », se félicite aujourd'hui Jean-Marie Spaeth. Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, souligne ses mérites. « Il a su accompagner le retour à la démocratie de l'ensemble du secteur de la santé. Il est l'homme du retour dans le contrat de toutes les professions de santé libérales. Sous sa présidence, la caisse a su aussi développer des initiatives comme l'engagement sur le génériques, les antibiotiques, la visite à domicile, les Acbus interprofessionnels... qui sont les fondations de la réforme en cours. » Un hommage repris en d'autres termes par le Premier ministre. « Vous avez tenu la maison dans une période difficile... »
Une maison qui se construit désormais sans lui, même si Jean-Marie Spaeth entend bien, à sa place, « contribuer au rayonnement des valeurs de la Sécurité sociale française ».
La Cfdt a annoncé qu'elle présenterait une candidature à la présidence de la Cnam. Michel Regereau, administrateur Cfdt à la caisse nationale, pourrait lui succéder.
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