LE DIRECTEUR DE LA CNAM (Caisse nationale d'assurance-maladie), Frédéric van Roekeghem, a présenté à son conseil d'administration les diverses pistes qui doivent permettre de réaliser 900 millions d'euros d'économie en 2007 et de déjouer le pronostic inquiétant du comité d'alerte. Plusieurs de ces mesures ont déjà été détaillées par « le Quotidien » dans notre édition du 6 juin. Lors de son intervention devant les administrateurs, le directeur de la Cnam a confirmé que les professionnels de santé, les assurés et les industriels seraient tous mis à contribution pour éviter un dérapage des dépenses. Le directeur de la Cnam a d'abord dressé un portrait positif de l'application de la réforme de l'assurance-maladie engagée en 2004. Il s'est félicité de la décélération du rythme des dépenses, mais a mis en garde contre l'évolution programmée de la prévalence des affections de longue durée (ALD). «A l'horizon 2015, près de 70% des dépenses de l'assurance-maladie seront concentrées sur les 12millions de personnes en ALD», projette la Cnam dans un document transmis à ses administrateurs. Illustration de cette évolution : le montant des remboursements aux personnes diabétiques devrait passer de 10,9 milliards d'euros en 2006 à 21,5 milliards d'euros en 2016 (voir aussi page 4).
Après analyse des écarts prévisionnels des dépenses en 2007, l'assurance-maladie a réaffirmé son désir de renforcer le parcours de soins, alors que 17 % des assurés n'ont pas choisi de médecin traitant. Une modulation du ticket modérateur est ainsi envisagée pour les patients qui consulteraient un praticien sans passer au préalable chez leur médecin traitant. Dans ce cas de figure, le taux de remboursement est actuellement de 60 % contre 70 % dans le cadre du parcours de soins. La réflexion s'est également portée autour du forfait d'un euro. Plafonné à un euro par jour, ce forfait pourrait dorénavant être appliqué pour tous les actes réalisés dans la même journée par un patient, mais toujours dans la limite de 50 euros par assuré et par an. Cette mesure permettrait de ramener «150 à 200millions d'euros», selon la Cnam.
Les radiologues dans le collimateur.
L'assurance-maladie prévoit également de renforcer la dynamique de la maîtrise médicalisée «en ville et à l'hôpital». Elle souhaite accentuer la prescription des génériques, promouvoir la bonne utilisation des transports sanitaires et déléguer plus largement aux infirmières libérales la vaccination grippale.
Les médecins ne devraient pas être en reste dans ce plan. La Cnam a l'ambition de «renforcer la promotion des objectifs individuels fixés par l'avenant23 au travers des délégués de l'assurance-maladie». Elle pourrait également contrôler davantage la fraude à la réglementation aux indemnités journalières, amplifier les contrôles sur la tarification à l'activité (T2A) et sur les transports sanitaires. L'assurance-maladie veut par ailleurs «étendre les possibilités de mise sous accord préalable aux offreurs de soins déviants». La décote tarifaire de certains actes de radiologie (scanners et IRM), dont les remboursements ont augmenté de 16 à 22 % depuis le 1er janvier, est également à l'étude. La Csmf s'oppose avec virulence à une telle mesure, estimant qu'elle s'apparente à une «Rustine». Le syndicat juge anormal de viser les radiologues qui ont déjà accepté des «sacrifices à hauteur de 60millions d'euros» dans la mise en place de la deuxième tranche de la Classification commune des actes médicaux (Ccam) technique. La Fédération nationale des médecins radiologues (Fnmr) s'oppose également « avec force » à « toute nouvelle mesure coercitive ».
A l'assurance-maladie, lors des débats, certains administrateurs ont demandé d'intervenir sur les honoraires des professionnels de santé et de «geler la hausse duC au 1erjuillet». Une option que la direction de la Cnam a toujours publiquement refusée.
Les industriels redoutent une baisse des produits de santé.
L'assurance-maladie a enfin l'intention de procéder à des ajustements sur les produits de santé. Elle a, en effet, constaté que les remboursements de certains postes ont très fortement augmenté sur les quatre premiers mois de l'année par rapport à la même période en 2006 : matériel pour diabétiques (+ 25,8 %), traitements respiratoires (+ 26,8 %), lits médicaux (+ 20,1 %). Le Medef est farouchement opposé à cette mesure qui aurait, selon lui, un impact défavorable sur l'innovation et mettrait un «frein à la compétitivité des entreprises».
Le directeur de la Cnam va maintenant devoir trancher entre ces différentes pistes. Il s'est gardé, jusqu'à présent, d'avancer des objectifs chiffrés pour chacune de ces mesures. Les économies attendues seront annoncées après les élections législatives lors du prochain conseil de l'assurance-maladie programmé le 19 juin. «La difficulté de l'exercice est de répartir l'effort auprès de tous et de le limiter», confie-t-on à la présidence de la Cnam.
Bachelot rassure la Csmf
Le président de la Csmf avait le sourire en quittant le ministère de la Santé après sa première rencontre avec Roselyne Bachelot.
« Nous avons maintenant la certitude que la politique menée par le précédent gouvernement et Xavier Bertrand sera poursuivie par la nouvelle équipe et Roselyne Bachelot », s'est réjoui Michel Chassang, qui était accompagné, chez la ministre, de Jean-François Rey, président des spécialistes Csmf, de Michel Combier, président des généralistes du syndicat et de Christian Espagno, représentant les chirurgiens et vice-président de la Confédération.
« Roselyne Bachelot, a poursuivi Michel Chassang, nous a totalement rassurés en confirmant qu'elle allait respecter les engagements pris par ses prédécesseurs, concernant notamment les revalorisations des honoraires médicaux inscrites dans l'avenant 23 de la convention médicale. » Le président de la Confédération a tenu à assurer la ministre que les médecins poursuivraient « leurs engagements dans la maîtrise médicalisée », mais il faut aussi, a expliqué Michel Chassang, que l'objectif des dépenses de soins de ville pour 2008 soit plus réaliste que celui qui a été appliqué en 2007. Le président de la Csmf a fortement critiqué, à sa sortie du ministère de la Santé, « ce taux de 1,1 % appliqué aux dépenses de ville contre 3,5 % à l'hôpital. Ce qui ne peut que nous interpeller vivement. Nous ne comprenons toujours pas cette différence de traitement ». Pour lui, le déclenchement du comité d'alerte de l'assurance-maladie s'explique d'abord par l'insuffisance d'un objectif « totalement inadapté à la réalité et à la qualité des soins ». Et de regretter que l'on ait « montré du doigt à cette occasion les médecins, alors qu'ils ont fait preuve de responsabilité ». En conséquence, la Csmf, avertit le Dr Chassang, n'acceptera pas des mesures d'économies qui « frapperaient les médecins ou une catégorie de médecins, par exemple les radiologues ».
Après le Dr Chassang, Roselyne Bachelot devrait recevoir le 2 juillet le Dr Cabrera, président du SML. Le Dr Martial Olivier-Koehret, président de MG-France, pourrait être reçu en juillet également. « Un rendez-vous bien tardif, que nous n'avons pas confirmé, explique-t-il au “Quotidien”. D'autant que personne ne sait si Roselyne Bachelot sera encore ministre de la Santé au lendemain des élections législatives. » Ambiance...
> J. D.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature