«NOS RESULTATS sont très importants, non seulement pour les patients atteints d’un cancer de la tête ou du cou, mais aussi pour ceux atteints d’autres cancers», explique au « Quotidien » le Dr Eric Rowinsky, du laboratoire biopharmaceutique ImClone (New York).
Le cétuximab (Erbitux, ImClone) est un nouvel anticorps monoclonal ciblant le récepteur du facteur de croissance épidermique (Egfr), présent dans la majorité des cancers épidermiques, comme ceux du poumon, du côlon, du pancréas et de la tête ou du cou. Ce composé empêche le récepteur du facteur de croissance d’être activé à la surface de la cellule tumorale, ce qui ralentit, par voie de conséquence, la multiplication des cellules cancéreuses.
«Outre la survie des patients, l’addition d’Erbitux améliore significativement la durée du contrôle locorégional, principal objectif évalué dans l’étude. L’ampleur des améliorations, en particulier sur la survie (vingt mois en plus, en moyenne), est rarement observée avec les nouveaux traitements mis au point pour n’importe quel cancer. Non seulement l’efficacité est plus grande, surtout quand on considère que le traitement Erbitux n’a été administré que de sept à huit semaines durant l’irradiation, mais les effets secondaires de la radiothérapie n’ont pas été accrus par l’ajout d’Erbitux. Alors qu’il y a un sérieux problème chaque fois que la chimiothérapie standard est ajoutée à la radiothérapie», poursuit-il.
Les cancers de la tête et du cou (bouche, larynx, gorge, sinus) arrivent au 6e rang des cancers les plus fréquents à travers le monde. Bien que le traitement des cas localement avancés soit complexe et difficile, il a progressé. La chirurgie est passée au deuxième plan, derrière les stratégies préservant les organes. Par rapport à la radiothérapie, un bénéfice supplémentaire a été obtenu avec la radiothérapie hyperfractionnée, ainsi qu’avec la radiothérapie associée à la chimiothérapie. Cette radiochimiothérapie est le traitement standard actuel, mais il s’accompagne d’une toxicité importante.
Carcinome spinocellulaire.
Bonner et coll. rapportent, dans le « New England Journal of Medicine », les résultats d’un essai de phase III évaluant l’association cétuximab-radiothérapie à haute dose dans le carcinome spinocellulaire de la tête et du cou, localement avancé.
Cet essai multicentrique porte sur 424 patients atteints d’une forme au stade III ou IV, non métastasé. Ils ont été répartis par randomisation en deux groupes de traitement. Une radiothérapie de la tête et du cou à visée curative (de sept à huit semaines) a été administrée aux deux groupes. L’un des deux a reçu, en plus, le cétuximab, à raison d’une perfusion I.V. une fois par semaine, avec une dose de charge de 400 mg/kg/m2 de surface corporelle, puis à 250 mg/kg/m2 pendant la radiothérapie. Le suivi est en moyenne de quatre ans et demi. L’amélioration apportée par l’usage du cétuximab est incontestable. La durée du contrôle locorégional, principal résultat évalué, est plus longue avec le cétuximab (vingt-quatre mois en moyenne contre quinze) ; de plus, la survie générale est allongée (quarante-neuf mois au lieu de vingt-neuf), ainsi que la survie sans progression. Par ailleurs, et de façon surprenante, l’addition du cétuximab n’a pas majoré l’incidence de mucite sévère.
Pour le Dr Rowinsky, «l’association Erbitux et irradiation offre une nouvelle option thérapeutique chez les patients atteints de ce cancer, et les futures études cliniques viseront à améliorer davantage encore ces résultats».
Dans un éditorial, le Dr Posner et coll. (Harvard Medical School, Boston) notent, toutefois, que Bonner et coll. n’ont pas comparé l’association cétuximab-radiothérapie au traitement standard (chimioradiothérapie avec cisplatine) et n’ont pas administré la radiothérapie de façon uniforme. Ils remarquent, en outre, que le cétuximab ne semble efficace que lorsqu’il est ajouté à la radiothérapie hyperfractionnée, ce qui confirme que cette approche devrait être la norme de la radiothérapie. De plus, son bénéfice sur la survie n’est évident que pour le cancer oropharyngé (la moitié des cas) et non pour les formes hypopharyngée ou laryngée. Des études de phase III en cours répondront à deux questions importantes : l’association cétuximab-radiothérapie est-elle supérieure à la chimioradiothérapie avec cisplatine ? Le cétuximab peut-il être ajouté à la chimioradiothérapie ?
«Pour le moment, la chimioradiothérapie avec cisplatine reste le traitement standard pour les patients qui peuvent la tolérer. Ceux qui ne la tolèrent pas devraient bénéficier de l’ajout du cétuximab à la radiothérapie», concluent les éditorialistes.
Bonner et coll. « New England Journal of Medicine », 9 février 2006, pp. 567 et 634.
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