Trois impératifs sont à concilier : prendre en compte les progrès scientifiques, entendre les attentes individuelles qui naissent parfois de situations douloureuses et défendre les valeurs de la société. En présentant mardi soir le projet de loi de révisions de bioéthique, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand a indiqué la voie à suivre, tout en se défendant « d’avoir réponse à tout » et a promis que le gouvernement s’en remettrait régulièrement à la « sagesse du Parlement » au cours du débat. L’examen de ce texte qui vient tout juste de commencer doit s’achever mardi à l’Assemblée nationale. Le projet de loi n’est plus tout à fait le même que celui que Roselyne Bachelot avait présenté en Conseil des ministres en octobre dernier. Entre-temps, son successeur est revenu sur l’une de ses avancées principales : la fin de l’anonymat absolue des dons. « On ne peut pas mettre sur le même niveau le droit à l’anonymat du don et les questions sur les origines, a expliqué Xavier Bertrand aux députés. L’anonymat préserve le don ».
Le même ministre contrairement à sa secrétaire d’État Nora Berra, s’est montré réservé sur la possibilité pour une femme nullipare de faire un don d’ovocyte. La possibilité de vitrifier les ovocytes semble en revanche très consensuelle, depuis qu’à l’automne dernier le Pr Frydman a recouru, pour la première fois, à une technique similaire pour faire naître des jumeaux. En outre, en dernière minute, juste avant le début de l’examen du texte dans l’hémicycle, la commission est revenue sur l’autorisation du transfert d’embryon dans le ventre de la mère après le décès du père, conformément à la position du ministre de la Santé. « Comment pourrait-on sciemment faire naître un enfant sans père » a insisté Xavier Bertrand. Dans la journée, plusieurs mouvements dont la Fondation Jérôme Lejeune et l'Alliance pour les droits de la vie, ont mis en garde, les députés contre « les dérapages » et « les dérives eugéniques ». Le projet de loi prévoit effectivement l’obligation pour les médecins de proposer à toute femme enceinte les examens de dépistage prénatal. Mais le ministre a insisté sur la nécessité de mieux informer les patients afin qu’il n’y ait pas « d’automaticité » des interruptions de grossesse en cas de détection d’une anomalie notamment génétique comme la trisomie 21 par exemple. Sur ces deux points -implantation d’embryons post mortem et dépistage préimplantatoire- Nora Berra a abondé dans le même sens.
Comme Jean Léonetti, rapporteur de la commission spéciale de l’Assemblée, la secrétaire d’Etat a insisté sur le choix fait par le législateur de réserver les techniques d’aide médicale à la procréation uniquement aux problème d’infertilité médiale au sein du couple. De là découle le refus du gouvernement de suivre la commission de l’Assemblée à autoriser le transfert d’embryons après le décès du père a souligné la secrétaire d’Etat à la santé. De là, découle aussi le refus de la commission spéciale de l’Assemblée d’exclure les femmes célibataires et les couples homosexuels des techniques d’AMP a expliqué Jean Léonetti.
L’exception française, pas la révolution
Au final, ce texte fera très peu bouger les lignes en dépit du long processus de concertations, états généraux, réflexions et rédactions de rapports qui ont précédé son examen depuis 2009. En ouvrant les débats, Xavier Bertrand a justifié cette aproche prudente en expliquant que «notre projet est un projet équilibré.» Le ministre du Travail et de la Santé reconnait que la France est sans doute moins audacieuse que certains de ses voisins en la matière, mais il le revendique insistant sur le fait que notre pays n’avait pas à se faire imposer ses solutions de l’étranger.
Xavier Bertrand reconnait que ce projet de loi est tout sauf un bouleversement. Et il assume: «Est-ce qu'il est nécessaire d'avoir une révolution en matière de bioéthique ? Je n'en suis pas persuadé, vraiment pas,» a-t-il lancé à la tribune. Il devenait néanmoins très urgent de remettre l’ouvrage sur le métier car depuis le 6 février les chercheurs n’ont, en théorie, plus de cadre légal pour leurs travaux sur les cellules souches et les embryons. « Tous les projets engagés iront jusqu’au bout, a néanmoins rassuré le ministre de la Santé. Et tous les nouveaux projets commenceront dès à présent à être examinés par l’Agence de biomédecine, même avant le vote de la loi, pour ne pas perdre de temps dès le texte sera adopté ». Mais le gouvernement entend maintenir l’exception française en la matière c’est-à-dire l’interdiction de la recherche avec des dérogations.
Avant l’ouverture des débats, le député PS Alain Claeys a plaidé pour l’autorisation. « S’il y a un point de clivage important entre la majorité et l’opposition, c’est bien la recherche » avait indiqué le parlementaire à la presse. Un point de vue réitéré à la tribune de l’Assemblée: «Je ne vois pas pourquoi, on maintiendrait l’interdiction.» C’est a priori la dernière fois que les lois de bioéthique font l’objet d’une révision quinquennale. Mais tous les ans un rapport sera remis au Parlement.
Intervenant après ces quatre orateurs aux tons plutôt consensuels, Noël Mamère a tranché en prônant des positions franchement opposées : droit à l’AMP pour les couples de même sexes, légalisation de la gestation pour autrui et levée de l’anonymat sur les dons de spermes et d’ovocytes. «Le projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux de société qui sont devant nous, » a asséné le député vert. Visiblement, le débat sur ces sujets n’est pas terminé...
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