L'aspartam ou l'histoire d'un oubli

Publié le 28/03/2007
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DANS SES PRÉMICES, l'histoire, est plus que connue. Nous sommes en 1965, James Schlatter, chercheur au sein des Laboratoires Searle, travaille sur les acides aminés. Par hasard, au cours de ses essais, il goûte une poudre sur sa paillasse. C'est curieux, le goût est sucré, très sucré, ça ne contient pas de sucre et ne correspond à aucun édulcorant connu. C'est ainsi que naît l'aspartam, comme le rappelle Hugues Pitre, directeur général de la Société Merisant, qui commercialise la molécule en France.

Maintenant, ce qui est beaucoup moins connu.

Bien sûr, Searle dépose des brevets internationaux pour sa nouvelle molécule. Et oublie la France. Chez nous, la molécule n'est pas protégée.

N'empêche, après les études cliniques, l'aspartam est autorisé à la mise sur le marché en 1979. Et c'est sur notre territoire que s'effectue le lancement mondial. Le nom de baptême retenu est Canderel. Il est formé de la contraction de « candy » et « airelle », une sonorité agréable et évocatrice à l'oreille, destinée à viser une clientèle féminine.

Malgré l'absence de brevet en France, Searle commercialise sa molécule. Mais, hasard ou volonté délibérée, la voie de la mise sur le marché agit en sa faveur. En effet, par sa vocation pharmaceutique, Searle s'adresse au corps médical. C'est donc tout naturellement que Canderel est d'abord proposé aux médecins et aux pharmaciens. Il est présenté comme un édulcorant destiné aux diabétiques et aux patients en restriction calorique. Toutefois, un concept marketing sous-tend cette voie de distribution : donner délibérément à l'édulcorant une caution médicale.

En 1981, l'aspartam est approuvé par l'administration américaine (FDA). En 1982, il est commercialisé aux Etats-Unis, dûment pourvu de brevets. Son nom : Equal. Pour les Américains, plutôt que de chercher une sonorité incitative, on préfère un patronyme directement interprétable. « Equal », pour égal (au sucre, bien entendu).

Copies et concurrence en pharmacie.

Pour revenir à la France, l'absence de protection par brevet ne tarde pas à être connue. Et au bout de deux à trois ans, Searle voit arriver les copies et la concurrence en pharmacie. Nous sommes en 1982-1983. En 1988, Canderel s'installe sur les rayons des grandes surfaces (tout en poursuivant sa carrière en officines). Etalages où le consommateurs voit fleurir très vite des quantités de copies réalisées par des industriels. Mais la marque reste bien établie.

En 1985, Monsanto acquiert les Laboratoires Searle et, du même coup, sa division édulcorant. Alors que Canderel et Equal demeurent les édulcorants de table, l'aspartam, sous le patronyme de Nutrasweet, en devient la version industrielle. Vendu directement aux entreprises, il édulcore boissons, aliments, laitages… dans le monde entier.

> Dr GUY BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8136