CLASSIQUE
Par Olivier Brunel
A LORS qu'il ne s'agit en aucun cas de récitals destinés au grand public, ni par leurs protagonistes qui sont des gloires du moment mais à l'auréole limitée pour ceux qui « consomment » de la musique classique, ni par le répertoire abordé, qui ne fait aucune concession au commercial et à sa stratégie du cross over, ils sont tous les trois excellents.
Le soprano finlandais Karita Mattila reste inoubliable à Paris plus par son interprétation au Palais Garnier de « la Veuve joyeuse » et d'Elsa de « Lohengrin » à Bastille, que par sa récente Desdemona d'« Otello » au Châtelet. Elle aborde un certain nombre de rôles par des airs et scènes extraits d'opéras accompagnés par le London Philharmonic Orchestra, dirigé par le chef japonais Yutaka Sado. Le reproche majeur que l'on peut faire à cet enregistrement est son éclectisme et l'absence de lien entre les airs choisis, de volonté de programme, comme c'était la règle à l'époque du microsillon quand une chanteuse n'avait pas le droit à l'erreur.
Karita Mattila, même si elle se tire aussi bien des airs de « Manon Lescaut », de Puccini, de Lisa de « La Dame de Pique », de Tchaïkovsky, d'Amalia de « Simon Boccanegra », de Verdi, sans vraiment en faire ressortir l'essentiel, n'y est pas autant à l'aise que dans des rôles de son répertoire scénique comme Elsa de « Lohengrin », de Wagner, qui est le meilleur de ce récital, et « Jenufa », de Jan[135]cek. Les grandes qualités du soprano sont l'élocution, donnant beaucoup de sens aux mots, la beauté du timbre, un type de voix nordique aux couleurs froides mais lumineuses, et son style toujours impeccable (1).
Une voix mozartienne
Le moins réussi des trois est celui du soprano milanais Barbara Fritolli, accompagnée par l'excellent Scottish Chamber Orchestra, sous la direction de Charles Mackerras. Ceci pour des raisons qui tiennent plus au chef qu'à la chanteuse, Charles Mackerras ayant toujours, au nom de prétendues sources musicologiques, introduit dans le chant mozartien des ornements qui sont une torture pour toute oreille qui ne soit pas anglaise. Quelques problèmes d'enregistrements aussi, font que cette voix riche et mozartienne que Paris a pu entendre dans Fiordiligi à Garnier et Elvira à Bastille, La Scala de Milan dans La Comtesse et Glyndebourne dans Donna Anna, ne donne pas la même impression de richesse et la même satisfaction au disque (2).
Un répertoire précieux
On a gardé pour la fin le meilleur récital, « Il tenero momento », des airs d'opéras de Gluck et de Mozart par le mezzo-soprano américain Susan Graham, accompagnée par l'Orchestra of the Age of Enlightment, assez inégalement dirigé par Harry Bicket (3). Des trois chanteuses, Susan Graham a peut-être la voix la plus inclassable, au médium très riche et aux aigus lumineux, et la personnalité la plus polymorphe.
A l'aise dans les lignes classiques de Gluck, dans la versatilité d'écriture de Mozart (encore qu'elle n'y soit pas toujours dans le détail techniquement exemplaire), elle aborde le répertoire français avec « Mignon », d'Ambroise Thomas, « les Nuits d'été » et Marguerite de « La Damnation », de Berlioz, et Octavian du « Rosenkavalier » de R. Strauss, et ne néglige pas la mélodie américaine, comme elle l'a montré avec le récent récital de mélodies de Ned Roram publié par le même éditeur. De Mozart, les airs de Chérubin (Noces) et Sesto (Clémence de Titus), très humains lui vont mieux que le seria de ceux de Lucio Silla et d'Idomeneo. De Gluck, on admire la ligne et la rigueur surtout dans les deux airs d'Orphée et ceux d'« Iphigénie en Tauride ». Un magnifique récital d'une chanteuse passionnante dans un répertoire précieux.
(1) 1 CD Erato/Warner. DDD.
(2) 1 CD Erato/Warner. DDD. Durée : 55 min.
(3) 1 CD Erato/Warner. DDD. Durée : 63 min.
Les 25 ans de Lyrinx : piano, flair et fidélité
I L Y A déjà vingt-cinq ans que Suzanne et René Gambini, éditeurs discographiques à Marseille, nous étonnent, enregistrement après enregistrement, par la pertinence de leurs choix, leur flair pour découvrir les jeunes interprètes français, leur fidélité à leurs préférences et même leur talent de justiciers. Ne sont-ce pas eux qui ont réparé l'énorme injustice d'avoir si longtemps tenue éloignée des studios la regrettée pianiste Catherine Collard ? Elle restera immortelle grâce à des anthologies de Debussy, Schumann, Haydn, et même celle inachevée de Mozart que la vie ne lui a pas laissé le temps de mener à bout.
Autre pianiste regretté, Pierre Barbizet avait confié aux studios marseillais un récital de musique de piano française « De Couperin à Ravel » qui est un pur trésor, tout comme d'attachants « Moments musicaux D 780 » et « Drei Klavierstücke D 946 », de Schubert, aussi réédités. Parmi les jeunes pianistes, citons Myriam Birger et ses merveilleuses « 19 Valses », de Chopin, Marie-Josèphe Jude qui, avant de jouer Brahms dans le monde entier, l'a enregistré pour Lyrinx, Vanessa Wagner, Philippe Bianconi, Georges Pludermacher. Et bien qu'ils soient de la génération précédente, ce n'est pas une raison pour les oublier, Bruno Rigutto dans Liszt et l'excellent Jean-Claude Pennetier dans Debussy, tous font partie de cette étonnante « écurie » de pianistes.
Douze CD à l'habillage revu à la sobriété partent pour un nouveau départ. En ligne, et bon anniversaire à tous !
12 CD Lyrinx. Prix économiques.
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