Après deux siècles d'existence

L'art de guérir s'expose à Douai

Publié le 17/05/2004
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EN 1562, la ville de Douai disposait déjà d'une université. Mais, en 1793, le vent tourne, et les révolutionnaires ferment toutes les universités, considérées comme des foyers de la réaction. Celle de Douai n'échappe pas à la règle. A compter de cette date, la liberté de profession est totale, et quiconque le souhaite peut s'installer comme médecin, sans condition d'études ni diplôme.
Pour pallier les risques de dérives et maintenir un enseignement médical dans la ville, le Dr Taranget crée en août 1804 la Société de médecine de Douai. Son objectif est double : faciliter l'instruction des étudiants et des médecins, et s'opposer au charlatanisme. Ce Douaisien, humaniste et philanthropique, était professeur de médecine sous l'Ancien Régime - on peut voir dans l'une des vitrines son cours de physiologie, manuscrit et annoté en 1782. Après la fermeture de l'université, il reprend son enseignement, d'abord chez lui, puis dans des lieux mis à sa disposition par la ville. « A l'époque, il s'agissait plutôt de "discours" que de formation médicale, souligne Pierre-Jacques Lamblin, responsable de la bibliothèque municipale, qui a fourni une grande partie des documents exposés. Les élèves, dociles et studieux, notaient in extenso les paroles du maître. Après trois années de cours, ils obtenaient un diplôme d'officier de santé. »
Les connaissances de l'époque étaient assez sommaires ! Et le tableau dressé par le Dr André Taranget donne froid dans le dos : « Les charlatans pullulent, la sorcellerie a ses partisans et ses dupes. L'art des opérations y devient quelque-fois l'art des mutilations horribles, la pratique des accouchements est trop souvent un mode d'assassinat. »
Les praticiens ne connaissent alors ni les microbes ni les virus, et la pensée de l'époque veut que la maladie soit véhiculée par l'air, principal responsable du dérèglement des humeurs. Les grands registres présentés attestent les premières tentatives d'explications des pathologies rencontrées par les médecins : de longues colonnes de chiffres mettent en corrélation les données météorologiques du jour et les maladies des patients. Des études épidémiologiques avant la lettre.
Le début du XIXe siècle marque les premiers essais de vaccination. Le Britannique Edward Jenner vient tout juste de découvrir la vaccine, et les praticiens douaisiens lancent des campagnes de vaccination pour tenter d'éradiquer la variole qui fait des ravages terribles dans la population. Envoyées directement d'Angleterre, les premières doses de vaccins sont transportées entre des plaques de verre. Les premiers essais sont infructueux et la méthode un peu barbare, comme en témoignent les instruments. Le bras est incisé à la lancette sur plusieurs centimètres, et le produit introduit entre le derme et l'épiderme à l'aide d'un cure-dent. Quatre jours après, l'apparition d'une pustule confirme la réussite de l'opération. Les « accidents vaccinaux » sont courants, mais les praticiens sentent bien qu'ils détiennent là la clé de l'éradication de la maladie.
Soucieux de la santé publique, les membres de la Société de médecine font également des préconisations en matière d'hygiène - en suggérant, par exemple, le rouissage du lin dans l'eau courante, et non stagnante, comme cela se pratiquait à l'époque - et s'investissent dans la prophylaxie du choléra.
Deux siècles plus tard, la société savante de Douai existe toujours. Forte de 150 membres, elle s'est recentrée sur la formation médicale continue. Une belle longévité.

Salle de la halle aux draps, hôtel de ville de Douai. Du mardi au samedi, de 15 h à 18 h, jusqu'au 28 mai 2004.

> FLORENCE QUILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7543