THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
Poète dans sa plénitude le très jeune Georg Büchner ne laissa que des fragments d'une histoire qui ressemble à une chanson triste avec soldat manipulé par ses supérieurs, fiancée volage, passion, couteau, boucles d'oreille, présence de l'enfance et à la fin de l'eau des songes éternels sous lune maladive. Une chanson, une complainte et ce quelque chose d'étrange qui fait que du fragment naît une impeccable architecture.
C'est sur ce paradoxe que s'appuie Robert Wilson pour signer un spectacle très strict et très éclatant, comme s'il nous donnait à lire la secrète architecture de l'ouvrage lacunaire, comme s'il voyait au-delà des bribes du texte leur harmonieuse organisation. Tom Waits, lui, qui a travaillé avec Kathleen Brennan, souligne au contraire, en citations souvent amusées (« l'Hymne à l'amour ») la diffraction du texte, de la pensée et n'injecte du liant qu'en répétitions, reprises.
Le spectacle trouve son intensité dans la co-existence de ces deux régimes de la représentation qui entrent immédiatement en dialogue. Ici, pas d'illustration. Mais le concert constant des pensées du poète avec les artistes qui le portent à la scène en images, musique, son, couleurs et en s'appuyant sur la maîtrise d'un groupe d'interprètes magnifiques, les comédiens danois du théâtre où le spectacle a été créé, le Betty Nansen Teatret de Copenhague. Hiératiques et tendres à la fois, aristocratiques et carnavalesques, oublieux de toute psychologie, comme l'exige Büchner et pourtant dans la plus bouleversante incarnation, sensibles, émouvants, ils jouent au cordeau, chantent au couteau, la terrible cruauté de l'histoire de Marie (Kaya Brüel) et Woyzeck (Jens Jorn Spottag), de Margret (Ann-Mari Max Hansen), du capitaine (Ole Thestrup), d'Andres (Morten Lützhoft), du docteur dédoublé (Morten Eisner, Hanne Uldal), du tambour-major (Tom Jensen), de Karl (Benjamin Boe Rasmussen), du bonimenteur (Jess Ingerslev) et de Christian (Anton Falck Gansted ou Asger Taarnberg). Acteurs souverains dans l'intrépidité magnifique qu'appellent Wilson, Waits, Woyzeck...
Théâtre de l'Europe à l'Odéon, du mardi au vendredi à 20 heures, dimanche à 15 heures. Durée : 2 heures sans entracte. En langues danoise et anglaise surtitrées en français. Jusqu'au 9 décembre. Avec le soutien de LVMH (01.44.41.36.36.).
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