Changement de direction au Cnrs

Larrouturou dénonce les « forces conservatrices »

Publié le 18/01/2006
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L’EFFET BOULE DE NEIGE voulu par Bernard Meunier, en démissionnant de son titre de président du Cnrs, a parfaitement fonctionné (« le Quotidien » du 10 janvier). Bernard Larrouturou, nommé directeur général du Cnrs en juillet 2003, est aujourd’hui contraint de quitter son poste.

«Aucun reproche ne m’a été fait par le gouvernement», a tenu à souligner l’ancien P-DG de l’Institut de recherche en informatique et en automatique (Inria), au cours d’une conférence de presse relayée en direct dans les délégations régionales du Cnrs. «C’est une décision très grave pour l’établissement, estime-t-il, manifestement éprouvé. Elle n’intervient pas à n’importe quelle période, mais quand le Cnrs se rénove en profondeur et au moment où le dispositif de recherche national évolue beaucoup*. C’est un coup dur pour le Cnrs.»

Désigné après le limogeage de Geneviève Berger, Bernard Larrouturou avait entrepris, de concert avec le président du Cnrs de l’époque, Gérard Mégie, une réforme qui devait, en premier lieu, clarifier les missions de l’établissement. «Le Cnrs n’a pas pour mission de piloter l’ensemble du dispositif de recherche national, expliquait alors Bernard Larrouturou. Il est avant tout un établissement de recherche, employeur de personnels de recherche, producteur de connaissance et d’inventions.»

Un rôle à clarifier.

Selon lui, la création de l’Agence nationale de la recherche, à condition de ne pas y consacrer tous les nouveaux budgets, devait être l’occasion de recentrer le Cnrs comme un opérateur de recherche. «Le message fort que j’aimerais faire passer aujourd’hui est qu’il me semble indispensable de clarifier le rôle du Cnrs. Si l’on veut qu’il soit le bateau amiral de la recherche, il y aura alors un contrôle très fort de l’Etat, indique-t-il. Ma vision est différente: le Cnrs est, certes, le plus gros des bateaux, et c’est une chance pour notre pays, mais ce n’est pas lui qui dirige les autres. Il a des missions spécifiques.» Reste au gouvernement à les énoncer clairement et avec transparence, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

Le conflit qui opposait Bernard Larrouturou à Bernard Meunier (nommé président du Cnrs en juin 2004 après le décès de Gérard Mégie) concernait la réorganisation de l’établissement, laquelle avait été approuvée non seulement par le gouvernement, mais par toutes les instances du Cnrs, dont le conseil d’administration, «à de très larges majorités». Concrètement, la nouvelle organisation, largement mise en place aujourd’hui, se traduit par la diminution des départements scientifiques et par l’instauration d’une direction scientifique générale chapeautant cinq directions interrégionales. Le dessein est à la fois de favoriser l’interdisciplinarité et de développer, avec d’autres acteurs de la recherche, des pôles d’excellence régionaux. «La réforme a eu ses opposants. Mais il est normal qu’il n’y ait pas eu d’unanimité totale», précise Bernard Larrouturou, qui dénonce le lobbying «des forces conservatrices».

«Avoir une direction forte au Cnrs, ça gêne. Je ne suis pas aussi docile que certaines personnes l’auraient voulu», dit-il. Sur de très nombreux sujets, «nous pouvons démontrer que, depuis deux ans, le Cnrs s’est mobilisé», alors que naguère il était souvent taxé d’immobilisme. «La maison tourne. Les budgets des laboratoires sont pratiquement prêts et les directeurs vont pouvoir connaître leur dotation d’ici la fin du mois, alors que ces dotations étaient connues, au cours des années précédentes, en mars, voire en avril.»

Nommée à la présidence du Cnrs, Catherine Bréchignac devrait bientôt être rejointe par un nouveau directeur général. «Le pire serait de mouiller l’ancre» et d’interrompre la réforme en cours, prévient Bernard Larrouturou. «Les directions interrégionales sont un vrai succès et je pense que ce serait une grave erreur de les remettre en question.» La semaine dernière, les membres de l’équipe de direction avaient dénoncé «l’interruption brutale du mandat» du directeur et s’étaient déclarés «solidaires» de son action.

* Le projet de loi de programme pour la recherche, adopté par le Sénat le 21 décembre dernier, doit être examiné par les députés à la fin du mois.

> STÉPHANIE HASENDAHL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7880