L'érythropoïétine (EPO) recombinante, autorisée en France en 1988, a révolutionné la prise en charge de l'insuffisance rénale chronique. Quelle que soit l'origine de l'affection, la perte du parenchyme rénal, producteur d'EPO, se solde par un déficit d'activation des progéniteurs érythroïdes de la moelle osseuse. L'anémie qui en résulte est un facteur considérable de morbidité. Outre l'altération physique et intellectuelle, les malades sont sujets à des troubles cardio-vasculaires - hypertrophie ventriculaire gauche parfois sévère, insuffisance coronarienne - et encouraient, jusqu'à la fin des années quatre-vingt, les risques liés aux transfusions. Dans ces conditions, on comprend l'amélioration qu'a constitué pour les malades le traitement de substitution par EPO recombinante.
Le principal problème posé par ce traitement, l'HTA, est dorénavant maîtrisé. On sait que la poussée hypertensive est favorisée par une HTA prééxistante et qu'elle survient d'autant plus volontiers que l'EPO est instaurée tardivement dans l'évolution de l'insuffisance rénale, et sans progressivité. Les doses d'EPO, initialement élevées, ont, en outre, été revues à la baisse. Si bien que, aujourd'hui, le risque d'HTA ne constitue en aucun cas un obstacle au traitement, et que l'EPO fait partie de la prise en charge standard de la très grande majorité des insuffisants rénaux, du moins dans les pays riches.
La darbepoïétine alpha
Aujourd'hui, une nouvelle forme d'EPO fait donc son apparition. Il s'agit de la darbepoïétine alpha, qui est en fait une EPO modifiée chimiquement par adjonction, sur le squelette peptidique, de deux chaînes carbonées supplémentaires, et de résidus d'acide sialique. Ces modifications, définies grâce à un screening, chez Amgen, de différentes isoformes d'EPO, donnent à la molécule une demi-vie trois fois plus longue que celle de l'EPO recombinante (21 ± 7,5 heures).
En pratique, cette nouvelle pharmacocinétique se solde, pour les malades, par un espacement des prises et une systématisation de l'administration I.V., évidemment la plus simple chez les hémodialysés.
Les études cliniques montrent que, chez des patients traités deux ou trois fois par semaine par EPO recombinante, le schéma d'administration d'Aranesp peut être ramené à une administration hebdomadaire. Et chez les patients actuellement traités une fois par semaine, l'administration peut être espacée de deux semaines avec la nouvelle molécule. En outre, aucune différence d'efficacité d'Aranesp n'a été relevée entre les voies d'administration I.V. ou SC, alors que l'EPO recombinante se révèle moins active, et requiert donc des doses plus importantes par voie I.V. Au total, les études de conversion ont montré qu'Aranesp est aussi efficace que l'EPO recombinante, avec des injections plus espacées et un profil de tolérance parfaitement identique.
En ce qui concerne l'immunogénicité notamment, que l'on pouvait a priori craindre en raison des modifications chimiques apportées à la molécule, on doit souligner qu'aucun anticorps dirigé contre Aranesp n'a été observé chez plus de 1 500 patients, suivis durant douze mois en moyenne.
Un développement en onco-hématologie
Pour le Pr Bernard Canaud, la nouvelle molécule est incontestablement un facteur d'amélioration du confort des insuffisants rénaux chroniques. Du côté d'Amgen, on souligne d'ailleurs que le coût du traitement n'excédera pas le coût du traitement actuel. Et en ce qui concerne l'avenir de la molécule, on signale également que le développement d'Aranesp se poursuit en onco-hématologie, une demande d'AMM européenne étant déposée. Dans cette indication, il n'est pas exclu que la demi-vie longue de la molécule puisse permettre d'espacer suffisamment les injections pour les faire coïncider avec les cycles de trois semaines des chimiothérapies.
D'après une conférence de presse organisée par Amgen et réunissant le Pr Françoise Mignon (hôpital Bichat, Paris), le Pr Bernard Canaud (hôpital Lapeyronnie, Montpellier), Tony Gringeri (Amgen-Etats-Unis), Marc de Garidel et le Dr Jean Caraux (Amgen-France).
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