Faut-il rappeler que le cancer de l’ovaire est fréquent (8e cause de cancer chez la femme, avec plus de 4 500 cas par an) et grave (3-4e cause de mortalité, avec 3 140 décès en 2012), en grande partie en raison d’un diagnostic tardif (3/4 sont découverts aux stades III B et IV). Cela malgré des progrès thérapeutiques certains, illustrés par les sels de platine et le bevacizumab (aujourd’hui la prise en charge repose sur la chirurgie et la chimiothérapie, avec des indications établies en fonction de l’histologie, du stade de la maladie et de l’état général de la patiente).
Les mutations BRCA 1 et 2
L’oncogénétique a apporté un éclairage nouveau sur ces cancers et, en particulier sur la forme la plus fréquente, le cancer séreux de haut grade. Ainsi, on a découvert que si une personne sur 300 à 600 présente une mutation BRCA 1 et 2, la proportion s’élève à 8-15 % chez les patientes atteintes de cancer de l’ovaire et même 17 % dans les sous-types séreux de haut grade (43 % quand il existe des cas familiaux). Une mutation est associée à un risque relatif de 3 de développer un cancer.
Ces mutations BRCA ont aussi une signification pronostique : pour le sein, le cancer est plus précoce avec plus de risque de développer un cancer controlatéral et un cancer de l’ovaire. Pour l’ovaire, il s’agit de cancers plus précoces, souvent des tumeurs de type séreux de haut grade, plus sensibles au cisplatine et de meilleur pronostic.
Avec l’arrivée de l’olaparib (Linparza) la mutation BRCA 1 et 2 influence directement la prise en charge, ce qui a imposé une petite révolution dans les 16 plateformes d’oncogénétique françaises : le délai de l’examen a été ramené de 33 semaines à 39 jours, grâce à un effort activement soutenu par AstraZeneca.
L’arrivée des anti-PARP
En effet, l’olaparib est aujourd’hui commercialisé pour le traitement d’entretien des cancers épithéliaux séreux de haut grade de l’ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif, récidivant et sensible au platine avec une mutation BRCA. Lynparza est le premier d’une classe thérapeutique qui a pour objectif d’inhiber des enzymes (poly-ADP-ribose-polymérases ou PARPs) qui sont nécessaires à la réparation de cassures simples brins de l’ADN. Cette inhibition de la réparation de l’ADN, en synergie avec la perte de fonction secondaire aux mutations BRCA 1 et 2 aboutit à la mort des cellules cancéreuses et à une inhibition de la croissance tumorale.
Une efficacité démontrée
L’indication de Lynparza repose sur les résultats de l’étude 19 ayant porté sur 265 patientes qui, après randomisation, ont reçu soit de l’olaparib (400 mg, 2 fois/j), soit un placebo, cela après un traitement d’attaque standard optimal. Sur les 254 patients ayant eu une détermination du statut BRCA, 51 % présentaient une mutation (mutations germinales dans plus de 80 % des cas).
Les résultats parlent d’eux-mêmes. S’il est à noter que le bénéfice du traitement apparaît dans l’ensemble de la population ayant reçu l’olaparib (HR = 0,35), la survie avec progression est spectaculairement allongée dans le sous-groupe avec mutation BRCA 1 et 2 : réduction de 82 % du risque relatif de rechute (HR = 0,18) avec une médiane de survie sans progression de 11,2 mois versus 4,3 mois dans le groupe témoin. Les données sur la survie globale seront connues ultérieurement.
La tolérance a été par ailleurs satisfaisante avec des effets indésirables généralement légers à modérés n’imposant pas l’arrêt du traitement dans la plupart des cas. Les effets indésirables les plus fréquents sont gastro-intestinaux, avec aussi des asthénies, céphalées et vertiges. Au plan biologique, on enregistre des anémies, neutro-lymphopénies, augmentation de la créatinine.
Le début d’une longue histoire
Pour le Pr Pujade-Lauraine, ce premier succès de l’olaparib pourrait n’être que le début d’une longue histoire car un vaste programme d’études est en cours dans le cancer de l’ovaire (en particulier en associant l’olaparib en traitement initial aux inhibiteurs de tyrosine-kinase) et dans d’autres types de cancers, notamment du sein. Mais cela est une autre histoire.
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