Les primes d'assurance des quelque 7 000 à 8 000 médecins échographistes, principalement des gynécologues-obstétriciens, et 5 000 autres radiologues, dont 90 % sont assurés à la Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF), et celle des 10 % affiliés à d'autres compagnies, vont exploser en 2002.
Une obligation de résultat
Actuellement, un généraliste paie en moyenne 1 500 F de prime, contre 3 000 à 10 000 F pour un omnipraticien qui fait des échographies obstétricales et de 5 000 à 90 000 F pour les gynécologues-obstétriciens et radiologues échographistes.
De même qu'il y a un syndrome « WTC-Pentagone du 11 septembre 2001 » pour les assureurs des compagnies aériennes, il existe, désormais, un phénomène similaire pour la MACSF face aux praticiens échographistes, avec l'arrêt Perruche du 17 novembre 2000, qui donne le droit à tout un chacun de se retourner, sous condition, contre le médecin qui l'a laissé venir au monde porteur d'un handicap.
Un nouveau-né, polyhandicapé parce que la rubéole de la mère n'a pas été détectée pendant sa grossesse, ça coûte cher, très cher. Dans le cas de Nicolas Perruche, l'ardoise s'annonce des plus lourdes : quelque 5 millions de francs de procédure judiciaire, et la CNAMTS, qui s'est portée partie civile, a toutes les chances d'être remboursée des 16 millions de francs qu'elle a déboursés pour Nicolas jusqu'à ses 16 ans (année où il a saisi la justice), sans compter les dommages-intérêts réclamés (non encore fixés) par la victime.
Le droit de ne pas naître handicapé est entré dans la jurisprudence (« le Quotidien » du 24 septembre), et pour les médecins, cela implique que l'obligation de moyens est remplacée par l'obligation de résultat. Aussi, aujourd'hui, le montant global des primes d'assurances de l'ensemble des médecins réalisant des échographies obstétricales ne suffirait pas à payer les frais résultant de l'arrêt Perruche. Même en prévoyant des « majorations substantielles » des primes des échographistes pour l'année prochaine , comme l'annonce au « Quotidien » Mme Forest, directrice du département sinistres et responsabilité civile de la MACSF - des hausses « très importantes, bien supérieures à 15-20 % », souligne-t-elle -, il n'est pas dit que les assureurs du corps médical seront en mesure de faire face aux sommes que s'apprête à accorder la justice aux handicapés.
Car la jurisprudence Perruche sera appliquée : après la cour d'appel de Bordeaux, qui vient d'allouer à titre provisionnel, le 17 septembre, 400 000 F à la jeune Alicia, handicapée et dont la mère n'avait pu avorter, près d'une dizaine d'autres affaires pourraient être réglées par les tribunaux d'ici à la fin de décembre. En année pleine, ce sont 2 500 nouveau-nés, sur 750 000 naissances, qui présentent des malformations en tout genre. C'est dire que « les gens vont y aller (en justice) , puisqu'il y a possibilité de gains », commente le Dr Alain Choux, échographiste à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine. « Si notre société, dite civilisée, et par ailleurs riche, n'est pas capable d'accepter 3,2 % d'échecs en échographie obstétricale, nous n'avons plus qu'à retourner à la situation d'avant 1977, ne plus faire d'échographies obstétricales. » « Le fait, relève, amer, le praticien, d'avoir transformé l'obligation de moyens en obligation de résultat est la solution idéale pour faire disparaître cette activité. »
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