Le Dr Gérard Delattre, stomatologiste à Saint-Mandé (Val-de-Marne), n'en revient pas. Il y a quelques jours, l'annonce, par le ministre de la Santé, de la suppression du mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité (MICA ou préretraite) au 1er avril 2003, a compromis tous ses projets.
Le Dr Delattre, qui atteindra en août 2003 l'âge minimal requis pour demander le MICA (57 ans), voulait fermer son cabinet dans un an, puis vendre son appartement pour aller en province. En septembre, il « a renoncé à commencer de longs traitements en orthodontie et refusé un contrat salarié important dans une clinique » en raison de son départ programmé en préretraite. Ce stomatologiste estime qu'avant tout changement de législation, il faudrait donner aux médecins libéraux un délai « d'au moins une année civile » afin qu'ils ne soient « pas pris au dépourvu » comme aujourd'hui.
Le Dr Francis Déprez, installé à Amélie-les-Bains, dans les Pyrénées-Orientales, subit la même déconvenue. Sauf que le Dr Déprez, lui, « s'était déjà fait avoir par Martine Aubry ». En effet, lorsque l'ex-ministre de l'Emploi et de la Solidarité a divisé par deux le montant-plafond de l'allocation de remplacement (ADR) pour les préretraités de moins de 60 ans, le Dr Déprez a renoncé une première fois à prendre le MICA. Depuis, il avait décidé de patienter jusqu'à son soixantième anniversaire pour dévisser, au 1er avril 2004, sa plaque de médecin généraliste et thermal. Il croyait donc pouvoir « bénéficier enfin de l'allocation à taux plein »... Un projet bien compromis à l'heure actuelle, à moins que le gouvernement accepte de voir cette mesure amendée, voire supprimée, lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) au Parlement.
En fait, les conditions d'accès au MICA et ses modalités n'ont cessé de changer depuis sa création en 1988. D'abord en faveur des médecins libéraux (abaissement de l'âge requis, relèvement du plafond), car les pouvoirs publics imputaient le dérapage des dépenses à une offre de soins pléthorique. Puis le vent a tourné quand sont apparus des déficits démographiques dans certaines zones géographiques et certaines spécialités. Sous le gouvernement Jospin, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 avait prolongé l'ouverture du dispositif jusqu'au 31 décembre 2004, tout en demandant aux partenaires conventionnels de le moduler en fonction des zones et des spécialités. Mais la modulation a paru rapidement irréalisable dans un système où les médecins peuvent s'installer où bon leur semble.
La préretraite, dont ont bénéficié quelque 9 000 médecins libéraux en quatorze ans, paraît de plus en plus en sursis depuis le rapport de la Cour des comptes de septembre 1999. La Cour a épinglé ce régime, non seulement coûteux pour l'assurance-maladie et les médecins libéraux, mais en plus quasi inefficace en matière de régulation médicale.
Finalement, l'ex-ministre Martine Aubry a tranché par décret en plafonnant à 15 245 euros - au lieu de 29 900 euros - (à l'époque, 100 000 F au lieu de 196 143 F) l'allocation des préretraités âgés de moins de 60 ans entrant dans le dispositif à compter du 1er octobre 2000.
264 préretraités en 2001, 775 en 2000
« Depuis, le nombre de demandes de MICA a beaucoup diminué : la baisse de plafond a eu un effet dissuasif et, d'ailleurs, c'était le but de la manoeuvre »
, relève Chantal Catel, de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF). Seulement 264 médecins libéraux ont demandé et obtenu le MICA en 2001, contre 775 en 2000 et 868 en 1999. La CARMF reçoit depuis quelques jours
« des appels de médecins qui aimeraient savoir à quelle sauce ils vont être croqués, mais ce n'est pas la grande bousculade », note Chantal Catel.
Pour le Dr Delattre, le fait que le MICA concerne maintenant
« très peu de gens »n'est qu'une raison de plus pour
« poursuivre le dispositif jusqu'au bout », c'est-à-dire jusqu'à la fin de l'année 2004.
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