ON DIRAIT de Sylvain Tesson qu'il relève des défis s'il ne nous avait déjà habitués à ses exploits physiques : le tour du monde en bicyclette, la traversée à pied ou à cheval d'immenses étendues asiatiques, le parcours lent et stoïque des continents.
Pourtant, il mérite mieux qu'une réaction blasée. Géographe de métier, il a tracé avec ses pieds la cartographie du monde ; voyageur infatigable, il a méprisé les moyens contemporains du voyage classique, train, bateau, avion. Et en lisant son « Petit traité sur l'immensité du monde » (1), on mesure l'œuvre que ce jeune homme de trente-deux ans a accomplie : ses kilomètres parcourus sont innombrables, les dangers qu'il a courus sont terrifiants, la moisson de connaissances qu'il a rapportée de ses voyages est inépuisable, les livres qu'il en a tirés sont passionnants. Ce missionnaire très particulier qui croit à la vertu du déplacement autant qu'à la majesté de la nature et à l'humanité des simples gens qu'il rencontre, a une foi de Terrien indomptable. D'ailleurs, cela le rend intolérant à l'urbanisation, au progrès quand il est mis au service de causes qu'il conteste et au ramollissement des humains enfermés dans leurs cocons. C'est son côté écologiste. Mais on verra en le lisant qu'il a très peu d'affinités avec les défenseurs de l'environnement tels qu'ils s'expriment dans un micro.
On ne sait pas si les prescriptions de Sylvain Tesson sont compatibles avec l'organisation de la société humaine. Mais il les défend avec une vigueur et un talent éblouissants. Non seulement ce grand marcheur est costaud, mais il est très cultivé ; et il assène des références littéraires si nombreuses et si variées qu'il fait douter le lecteur de son propre savoir.
Ce qui le conduit à nous livrer un récit dont le plus fort élément est le style. M. Tesson est écrivain en même temps qu'il est explorateur. A ce que ses précédents ouvrages (et ils sont nombreux pour un homme aussi jeune qui a couvert presque autant de pages que de kilomètres) nous avaient appris sur son humour et son espièglerie enfantine, il ajoute son talent, sa culture, sa maîtrise du langage et la force tranquille de l'homme qui a domestiqué monts, vaux et forêts en les mettant sous son talon.
Le chapitre qu'il consacre aux cathédrales (il est aussi l'alpiniste des monuments de France) est étincelant. On ne saurait le lire sans comprendre que la force qu'il a acquise dans ses marches et ses courses, c'est une liberté sans limites : Sylvain Tesson est libre de tout ce qui fait la trame de nos petites vies minables, libre de tout préjugé, libre de toute contrainte sociale, morale, religieuse. Son petit livre est une leçon.
(1) 146 pages, Éditions des Équateurs.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature