THIERRY BRETON est un prodige de sa génération. Il a réussi à redresser les comptes de France Télécom et à réduire sensiblement la dette de l'entreprise. On ne tarit pas d'éloges sur lui, aussi bien dans le monde des affaires que dans la classe politique. Il a même failli devenir ministre de l'Economie. Ses lauriers sont mérités et sa compétence indéniable.
Un mal français : toujours plus cher.
Malheureusement, en matière de technologies nouvelles, il existe un mal français. Ce fléau, c'est le mépris du consommateur et le refus de réduire les prix. Or le téléphone et ses progrès technologiques sont un bienfait pour l'humanité. Pour les Français, le portable est un instrument de communication immédiat avec une foule de gens que l'on peut appeler tout en faisant autre chose ; pour le monde entier, la baisse des prix des communications longue distance est une avancée formidable qui permet aux familles séparées de se retrouver à un coût modeste, alors que la valeur affective est immense.
Et il y en a pour tous les goûts et toutes les poches : des tarifs forfaitaires, des cartes prépayées à insérer dans le téléphone, des compagnies qui offrent les appels vers l'étranger ou les portables à un coût remarquablement bas.
Pourquoi s'en priver ? France Télécom ne s'est pas ruée vers un créneau visé par bon nombre de nouvelles entreprises du téléphone : la baisse drastique du prix des communications extra-urbaines.
La dérégulation du marché a permis à beaucoup de clients de France Télécom de séparer les communications de l'abonnement, grâce au système de préselection : le client paie son abonnement à France Télécom et ses communications à une autre société qui pratique de bas tarifs.
Il est vrai que ces sociétés ne vendent que le plus facile : elles « louent » des lignes, elles n'en possèdent pas les infrastructures lourdes et compliquées. C'est France Télécom qui assure le cheminement de la communication jusqu'au domicile. Par exemple, une communication entre Paris et New York est acheminée par un câble transatlantique ou un satellite. Mais il faut aller du téléphone jusqu'au point de départ du câble ou, si vous préférez, de « l'autoroute » électrique. Pour accéder à l'autoroute, la bretelle indispensable appartient à France Télécom.
Un marché captif.
En réalité, cela signifie que, en dépit de la dérégulation, France Télécom dispose d'un marché captif, c'est-à-dire qui ne craint pas la concurrence. Augmenter le prix de l'abonnement, c'est obliger les dizaines millions de Français qui ont un téléphone fixe à payer sans discuter ce que leur réclame France Télécom.
LE TÉLÉPHONE À BAS PRIX EST DEVENU UN ÉLÉMENT DU BONHEUR SOCIAL. AUGMENTER LES TARIFS EST ABSURDE
M. Breton nous parle de 1 euro par an pendant trois ans, ce qui fera passer le prix de l'abonnement de 13 à 16 euros par mois. Pas cher, affirme M. Breton : à 16 euros, ce prix se situera dans la moyenne européenne.
En compensation, ajoute-t-il, le prix des communications va baisser. Mais cela ne concerne pas les millions de Français qui utilisent désormais un concurrent de France Télécom pour les communications nationales et internationales ; et qui trouvaient déjà cher l'abonnement, qui ne sert plus à grand-chose. Ce qui veut dire que, si M. Breton voulait vraiment jouer le jeu, il devrait offrir à sa clientèle des communications à un prix raboté par rapport à ses concurrents. Or les tarifs de France Télécom sont encore nettement supérieurs, pour le prix à la seconde, à ceux des autres sociétés.
C'est une maladie française parce qu'il est évident que, au lieu d'annoncer une hausse du prix de l'abonnement, Thierry Breton aurait dû annoncer une baisse considérable des prix des communications. Il aurait vu alors des hordes de clients revenir vers lui ; il aurait rattrapé par la croissance de sa part de marché ce qu'il aurait perdu sur les prix.
Et, philosophiquement, France Télécom est à l'opposé de tout ce qui se fait en matière de transmissions à travers le monde. La rapidité des communications, la multiplicité des moyens, qu'ils s'agisse du son, de l'image ou de la voix et, surtout, les prix réduits ont fait un village de la planète. L'humanité est interconnectée et le parent le plus lointain est à quelques euros, parfois quelques centimes de notre voix. Augmenter les prix dans un marché qui ne joue que la baisse est absurde. Le téléphone est un formidable exemple de technologie qui apporte du bonheur, comme l'automobile autrefois ou les appareils ménagers naguère ou encore la télévision, il y a un demi-siècle : ces inventions n'ont pas transformé le genre humain uniquement parce que leurs inventeurs étaient futés, mais parce qu'on les a mises à la disposition de tous, parfois même des plus pauvres.
Alors, c'est simple : même pour l'abonnement, l'Etat doit prévoir un concurrent pour France Télécom. Cela ne concerne pas l'euro de plus à débourser chaque année ; cela concerne la finalité du téléphone : un moyen de communication entre tous, pour tous.
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