LES RÉVÉLATIONS sur l'opération qui a permis la libération du « Ponant », navire de croisière piraté il y a quelques semaines, ont douché l'enthousiasme soulevé par ce haut fait militaire : à trois reprises, des matériels sont tombés en panne pendant la chasse aux preneurs d'otages. La réforme des armées sera coûteuse : la France va dépenser 377 milliards d'euros jusqu'en 2020 pour améliorer nos équipements et notre capacité offensive et défensive. Pourtant, la construction d'un deuxième porte-avions nucléaire, bien qu'elle soit indispensable à la crédibilité de notre dissuasion, est différée de quatre ans.
Une force mobile de 30 000 hom-mes.
Sans entrer dans les aspects techniques de ce que doit être une force militaire contemporaine, on sait que la France, puissance nucléaire, dispose d'une capacité crédible de dissuasion. Bien que nos forces ne soient pas intégrées dans l'OTAN, nos alliés admettent tous, y compris les États-Unis, que la France contribue à la politique de dissuasion, notamment grâce à ses sous-marins dotés de missiles nucléaires à longue portée.
Le président a affirmé mardi que la France rejoindrait l'OTAN, comme il l'a dit pendant sa campagne électorale, mais qu'elle garderait une force de dissuasion indépendante. Le chef de l'État constate qu'un équipement sur deux est immobilisé par sa vétusté. Il s'est élevé de façon préventive contre ses détracteurs qui dénoncent son alignement atlantiste. Son objectif est de doter le pays d'une force de 30 000 hommes capable, à tout moment, de franchir de grandes distances, pour aller se battre en territoire étranger.
Sur 100 personnes qui travaillent pour nos différentes armes, 60 sont employées à la gestion et 40 à l'action militaire. M. Sarkozy veut inverser ce ratio et faire des économies sur les personnels pour consacrer plus d'argent aux armements.
Le gouvernement, à plusieurs reprises, a expliqué que l'armée n'était pas là «pour faire de l'aménagement du territoire». Il n'empêche que la disparition de bases et de garnisons portera un coup économique sérieux aux villes et aux départements qui en seront privées. En d'autres termes, le pays devra s'accommoder de cette réforme comme il doit s'habituer aux autres.
D'ici à six-sept ans, nos effectifs militaires seront limités à 225 000 personnes, 131 000 dans l'armée de terre, 50 000 dans l'armée de l'air et 44 000 dans la marine. Des mesures d'accompagnement seront mises en oeuvre, mais M. Sarkozy ne cache pas qu'il s'attend à des manifestations et à des protestations d'élus, de cadres militaires et de civils.
Nos objectifs militaires répondent à deux préoccupations : d'une part, par souci d'indépendance, nous devons garder notre capacité de dissuasion nucléaire, et plus que jamais : à la menace soviétique, ont succédé des menaces plus confuses, mais non moins inquiétantes, créées par la prolifération nucléaire. D'autre part, nous devons faire face à ce qu'il est convenu d'appeler la guerre asymétrique : les batailles frontales ont laissé la place aux guérillas de toutes sortes, qui n'améliorent pas notre sécurité. C'est pourquoi un effort particulier sera fourni d'abord pour créer une armée de combattants mobiles, entraînés pour se battre contre un ennemi tout aussi mobile et furtif, ensuite pour augmenter la qualité de notre renseignement qui va être unifié et dont les effectifs vont, eux, augmenter.
SUR LE PAPIER, LA REFORME EST JUDICIEUSE ; DANS LES FAITS ELLE SERA DOULOUREUSE
Le renseignement d'abord.
La France n'est déjà pas trop mal placée pour le renseignement. Elle dispose de satellites espions, indispensables pour les conflits étrangers, et d'un système de renseignement humain dont on peut dire que, depuis 2001, il nous a bien protégés contre les attentats terroristes. Plus notre capacité de recueil de renseignements augmentera, plus nous serons à l'abri des complots fomentés contre notre territoire. On ne saurait critiquer une démarche qui, ayant déjà donné d'estimables résultats, ne peut qu'améliorer la sécurité des citoyens français.
Inutile de préciser que cette réforme, qui semblera utile et nécessaire aux gens dénués d'esprit partisan, sera enfantée dans la douleur. Le budget des armées, en dépit des économies qui seront réalisées, restera très lourd, alors même que nos dépenses sociales ne cessent de s'accroître, comme nos déficits publics. C'est assez dire que, si la réforme est justifiée, elle ne sera pas facilement accomplie.
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