L’ARMÉE FRANÇAISE n’est pas épargnée par la pénurie de médecins. Sa professionnalisation en 1995 l’a privée de l’apport considérable des appelés qui avaient suivi une formation médicale et son service de santé a été frappé de plein fouet par la baisse du numerus clausus pendant les années 1990. Il a ensuite été contraint, à la demande du ministère des Finances, de réduire les dépenses liées au recrutement de médecins civils. Sa situation démographique est aujourd’hui préoccupante.Au 31 décembre 2005, 2 184 médecins faisaient partie du Service de santé des armées. «Il nous manque 200médecins, explique le médecin-général Jean-Etienne Touze, sous-directeur des ressources humaines, mais nous sommes contraints par la loi de Finances de respecter des enveloppes strictes qui ne nous permettent de recruter que 60officiers sous contrat, dont 30médecins généralistes.»
Petites annonces et salons professionnels.
En attendant que les prochaines promotions des écoles des Services de santé des armées de Bordeaux et de Lyon soient formées d’ici cinq ou six ans, l’armée va recruter sous contrat de courte durée. Pour ce faire, son service de santé publie des petites annonces dans la presse médicale et s’affiche dans les salons professionnels. Elle souhaite avant tout s’attacher les services de jeunes médecins généralistes thésés de nationalité française, pour une première expérience professionnelle. «Nous proposons un contrat initial de deux ans, renouvelable deux fois, avec le statut de sous-officier», commente le Dr Touze. Le médecin-général chargé du recrutement insiste sur le caractère valorisant et formateur du métier de médecin militaire, «excellente expérience professionnelle pour des jeunes praticiens». L’exercice des médecins militaires est très varié. Ces derniers sont amenés à faire de la médecine d’urgence ou des consultations d’aptitude. Ils soutiennent les forces d’activité à risque, les accompagnent dans des situations de stress ou conseillent le commandement lors de la préparation du personnel avant des opérations extérieures. En dehors de ces activités d’expertise, de prévention et de soins, ils peuvent également porter leur soutien aux populations militaires et civiles en faisant de la médecine humanitaire.
L’ouverture du Service de santé des armées aux médecins civils en 2002 a déjà permis d’engager sous contrat 169 médecins. Un responsable du recrutement reconnaît que la majorité des candidats sont «des gens qui ont passé 45ans, sont installés depuis 15-20ans, en ont marre de monter les étages et souhaitent travailler en équipe».
Une opération délicate.
Séduire les jeunes médecins est, en revanche, plus difficile : «Beaucoup de diplômés souhaitent rester dans la région où ils ont été formés, indique le Dr Touze. Notre pays commence à manquer de médecins et nous avons de la concurrence. A nous de montrer les avantages de la médecine militaire.»
De jeunes médecins et internes ne restent pas indifférents à l’offre du Service de santé des armées. Le Dr Yassine Bouakaz, président du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg), a un temps envisagé de s’engager après son service militaire effectué quand il était externe : «Cette proposition est intéressante dans la mesure où elle permet d’être confronté à des problèmes variés de la médecine générale: traumatologie, problèmes ostéoarticulaires, viscéraux, cardiaques... Le mode d’exercice salarié peut également intéresser les femmes, puisque les horaires sont généralement fixes, sans gardes, en dehors de l’hôpital.» David Rodriguez, interne en médecine générale à Montpellier, se dit intéressé par cet «exercice alternatif à la médecine générale». «J’ai envie d’action, je veux faire de l’humanitaire et j’aimerais partir en opération extérieure, avoir un exercice varié. Je ne veux pas connaître l’isolement et la lourdeur administrative d’un cabinet», affirme le futur généraliste de 29 ans. Le salaire proposé à un médecin débutant – 2 500 euros net par mois pour un célibataire sans enfant (1) – n’est pas un «obstacle» pour David Rodriguez.
La médecine militaire impose cependant quelques contraintes : les médecins militaires doivent, par exemple, être prêts à tout moment à intervenir en opération extérieure. Pour le capitaine François Bourderioux, la principale qualité du médecin des armées est justement d’être «disponible et opérationnel». A 38 ans, l’omnipraticien a rempilé au Service de santé des armées. Il est officier sous-contrat à la gendarmerie d’Arras, après un premier contrat de deux ans chez les sapeurs-pompiers de Paris et quatre années passées à SOS-Médecins. La médecine militaire présente, selon lui, plusieurs avantages sur l’exercice libéral : «On est salarié, aux 39heures, sans les gardes de nuit... Une partie de mon loyer est payé. Avec trois enfants, je touche 3000euros par mois. Le seul hic, c’est que je ne suis pas en CDI.» Un responsable du recrutement résume la situation : «Cette offre s’adresse à ceux qui ont envie de voir le monde, d’être dans l’action. Nous pouvons leur garantir une expérience hors norme.» (2)
(1) Ce salaire est évolutif. Il peut varier en fonction de la participation à des opérations extérieures.
(2) Les médecins intéressés peuvent contacter la direction centrale du Service de santé des armées, bureau de gestion du personnel militaire, BP 125, 00459 Armées.
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