UN PERSONNAGE le dit dans le premier tiers du film : à quoi bon faire un film sur Berlusconi, un film de gauche qui plus est, pour dénoncer ce que tous ceux qui veulent savoir connaissent déjà depuis longtemps malgré l’hégémonie médiatique de l’ex-président du conseil italien ? Moretti, réalisateur directement engagé dans le combat anti-Berlusconi, a vite renoncé d’abord au documentaire puis à faire du Caïman le personnage principal. Pour tenter de «restituer quelque chose de ce qui est arrivé pendant ces années et dont, peut-être, nous n’avons pas pleinement mesuré la gravité, l’ampleur des dégâts: des dégâts éthiques, constitutionnels, psychologiques, des dégâts sur les moeurs, sur la culture, sur l’économie». Alors il a imaginé cet inénarrable producteur en faillite professionnelle et sentimentale.
Très loin du cinéma d’auteur, Bruno Bonomo (Silvio Orlando) a produit des nanars aux titres évocateurs, « les Mocassins assassins » ou « Maciste contre Freud ». Perclus de dettes, il s’engage sur le scénario d’une réalisatrice débutante, qu’il n’a pas lu. Comment, pris au piège, il va essayer de monter ce film consacré à Berlusconi, c’est ce que raconte « le Caïman », permettant à Moretti de se moquer des acteurs (Michele Placido, très amusant), des producteurs, des réalisateurs… et de lui-même. Et si Berlusconi apparaît dans quelques séquences d’actualité, il a aussi ici, par le jeu des films dans le film, plusieurs savoureuses incarnations.
Tandis que pour le réalisateur de « la Chambre du fils », les problèmes familiaux de son producteur sont l’occasion de jouer la corde sensible de l’amour qui meurt et du difficile rôle paternel.
Entre l’émotion, la comédie et la critique politique, Moretti a bien fait de ne rien sacrifier. «L’aventure politique qui a paralysé l’Italie pendant douze ans» est-elle terminée, après l’échec de Berlusconi aux élections d’avril ? Le film en tout cas restera.
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