De notre envoyé spécial
Comme l'a rappelé le Pr Ira D. Glick (Stanford, Californie), l'aripiprazole offre plusieurs particularités pharmacologiques, à commencer par un effet agoniste partiel des récepteurs D2 (alors que les autres antipsychotiques atypiques sont antagonistes dopaminergiques). En pratique, en cas d'hyperactivité dopaminergique, l'aripiprazole se comporte comme un antagoniste fonctionnel et comme un agoniste fonctionnel, en cas d'hypoactivité. Cette « stabilisation » du système dopaminergique permet l'amélioration de la symptomatologie psychotique positive mais aussi négative, tout en réduisant l'importance du syndrome extrapyramidal. L'antagonisme 5-HT2A et l'agonisme 5-HT1A de l'aripiprazole peuvent expliquer un effet favorable de la molécule sur l'humeur et les fonctions cognitives. Enfin, une faible affinité pour les récepteurs histaminiques H1 et alpha 1A adrénergiques semble associée à une plus faible prise de poids et à une moindre fréquence de l'hypotension orthostatique.
Une efficacité clinique démontrée
Il reste à démontrer que les atouts pharmacologiques de l'aripiprazole vont de pair avec une efficacité clinique et une tolérance équivalentes et/ou améliorées par rapport aux options thérapeutiques existantes.
Les études pivotales ont montré, dans les exacerbations aiguës de schizophrénies, une efficacité significative dès la première semaine de traitement, par rapport au placebo, à des doses allant de 10 à 30 mg (la dose initiale recommandée étant de 15 mg). Cette amélioration porte aussi bien sur le score total du PANSS (échelle des symptômes positifs et négatifs) que sur les scores « positifs » ou « négatifs » (p < 0,01). A court terme, cette efficacité est équivalente à celle de l'halopéridol et de la resperidone.
A 52 semaines (Kujawa et al., « Int J Neuropsychopharmacol », 2002), l'aripiprazole montre plusieurs supériorités sur l'halopéridol, en ce qui concerne le maintien de la réponse thérapeutique - 30 % d'amélioration du PANSS - (p = 0,003), la réduction des symptômes négatifs (p < 0,05) et dépressifs (p < 0,05). Par ailleurs, les arrêts de traitement sont moins nombreux sous aripiprazole (30 mg dans cet essai).
De nouveaux résultats dans la psychose maniaco-dépressive aiguë
Deux nouvelles études présentées à San Francisco montrent que cette efficacité de l'aripiprazole s'observe également chez des patients atteints de troubles bipolaires en phase maniaque aiguë.
Au cours d'un essai en double aveugle versus placebo portant sur 272 patients, on observe que l'aripiprazole (dose initiale de 30 mg pouvant être abaissée, la dose moyenne étant de 27,6 mg/j) améliore significativement le score Y-MRS (Young Mania Rating Scale) ; dès la 4e semaine (p < 0,002), l'écart avec le placebo augmentant à la 3e semaine. A cette date, le pourcentage de répondeurs (amélioration de 50 % au moins du Y-MRS) est également significativement supérieur dans le groupe traité (p < 0,001). On note également des améliorations significatives de l'échelle d'impression clinique globale ou CGI-BP (p = 0,009) du score global PANSS (p = 0,011) et du score de la sous-échelle d'hostilité PANSS (p = 0,002).
La seconde étude de douze semaines a porté sur 347 patients, hospitalisés ou non, recevant soit de l'aripiprazole (15 mg/j, en pouvant augmenter jusqu'à 30 mg/j), soit de l'halopéridol (10 mg/j, jusqu'à 15 mg/j). Le pourcentage de répondeurs est significativement plus élevé sous aripiprazole (49,7 % versus 28,4 %, p < 0,001). Les deux produits donnent des améliorations similaires des scores moyens d'échelle Y-MRS et CGI, un nombre significativement plus élevé de patients sous aripiprazole ont terminé l'essai (51 % versus 29 % p < 0,001), ce qui s'explique par les sorties pour effet indésirable (19 % versus 49 %).
Différences significatives également en ce qui concerne le taux de syndromes extra-pyramidaux (p < 0,001), d'acathisie à l'échelle de Barnes (p < 0,001) et de mouvements involontaires anormaux (p < 0,002). De plus, les patients du groupe halopéridol présentaient une augmentation significative du taux de prolactine, tandis que, dans le groupe aripiprazole, on enregistrait une diminution de ce taux (p < 0,001).
Une bonne tolérance pondérale et métabolique
Une troisième étude, présentée par le Pr Peter Weiden (Brooklyn, New York) met l'accent sur la bonne tolérance pondérale et métabolique de l'aripiprazole (dose moyenne 25 mg/j), comparé à l'olanzapine (16,5 mg/j). Si au terme de l'essai de 26 semaines, l'efficacité des deux produits parait équivalente (PANSS, CGI-I), l'aripiprazole affiche une meilleure tolérance pondérale : - 1,37 kg en moyenne, contre 4,23 kg (p < 0,001), la différence se manifestant quel que soit le BMI à l'entrée dans l'essai ; 14 % des patients sous aripiprazole ont un gain pondéral égal ou supérieur à 7 % contre 37 % (p < 0,001). Enfin l'élévation du cholestérol total et LDL et des triglycérides est significativement inférieure sous aripiprazole.
La bonne tolérance pondérale et métabolique de l'aripiprazole a été soulignée par d'autres études, notamment de switch, tous les antipsychotiques atypiques n'étant pas équivalents sur ce point. L'aripiprazole ne se distingue guère de l'halopéridol sur ce point, ce qui est un avantage certain. A cela s'ajoute une bonne tolérance glucidique sans modification de la glycémie à jeun, à 26 semaines.
Des atouts particulièrement importants dans les populations à risque métabolique et/ou cardio-vasculaire élevé mais aussi dans la population générale des schizophrènes : si l'espérance de vie de ces patients est réduite, en moyenne, de 20 %, ce n'est pas uniquement en raison du risque suicidaire élevé, conclut le Pr S.R. Marder (Los Angeles).
(1) Abilify ou aripiprazole a été découvert par le laboratoire japonais Otsuka. Il est codéveloppé par Otsuka et BMS. Il est déjà commercialisé dans plusieurs pays dont les Etats-Unis. Il est en cours d'évaluation par l'Agence européenne du médicament (EMEA), avec une AMM attendue en 2003.
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