L'HÔPITAL d'Ajaccio n'en finit pas de faire parler de lui. La semaine dernière, les bureaux de la direction ont été pris d'assaut par des membres du Syndicat des travailleurs corses (STC) remontés contre un projet de retour à l'équilibre qui prévoit 320 suppressions de postes – sur un total de 1 500, soit 20 % des effectifs.
Samedi soir, un syndicaliste est mort en chutant d'un bâtiment hospitalier (« le Quotidien » du 4 juin). La tension est montée d'un cran. Un directeur adjoint s'est rendu sur place ; des banderoles l'attendaient qui sommaient l'équipe dirigeante de quitter l'hôpital. Autant dire qu'il a été vertement accueilli. C'est en catastrophe que le directeur, Julien Santucci, et trois de ses adjoints ont quitté l'île dimanche. «Ils ne se sentent plus en sécurité et n'envisagent pas de revenir», explique un proche.
Mercredi, l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Corse a nommé un directeur par intérim, Jean-Pierre Peron, qui dirige déjà l'hôpital de Bastia. Jean-Pierre Peron est chargé de la gestion des affaires courantes – la paie des salaires est assurée, indique notamment l'ARH. À charge aussi pour lui de renouer le dialogue au sein de l'hôpital d'Ajaccio, où le climat s'est fortement dégradé ces derniers mois. Il sera bientôt rejoint par une nouvelle équipe de directeurs adjoints.
Quand l'intérim prendra fin, c'est surtout la résorption du déficit qui donnera du fil à retordre à la future direction. Les tutelles attendent les conclusions de la chambre régionale des comptes avant de nommer un nouveau directeur. Saisie le 19 mai, cette instance enquête sur les raisons du déficit – qui dépasse 14,5 % à Ajaccio. L'ARH de Corse rappelle que le déficit seuil au-delà duquel un hôpital est placé sous administration provisoire est de 2,5 %. Sans l'annoncer dès à présent, l'agence laisse entendre qu'Ajaccio remplit largement ces conditions, et que cette mesure, réservée aux cas extrêmes, a de fortes chances d'être retenue.
La directrice de l'ARH de Corse, Martine Riffard-Voilqué, livre ce commentaire : «La direction précédente n'a pas démérité. Elle s'est battue dans des conditions difficiles. Les syndicats de personnel critiquent un manque de dialogue social, mais il faut comprendre l'usure d'une équipe soumise aux critiques incessantes.»
Le Syndicat des travailleurs corses (STC) a fait pression pour que l'ancien directeur parte, usant de modes d'action « musclés ». Le directeur par intérim connaîtra-t-il un sort meilleur ? «M. Peron est un homme de dialogue, compétent, qui a su redresser l'hôpital de Bastia en dix-huitmois. Ce choix est consensuel», assure la patronne de l'ARH. À suivre. Car Julien Santucci n'a pas été le premier directeur à essuyer des montées d'agressivité. Mais l'hôpital d'Ajaccio, criblé de dettes, n'a plus guère d'alternative. «Le président de la République veut que tous les hôpitaux soient à l'équilibre en 2012, rappelle Martine Riffard-Voilqué . Il faut donc un plan sur cinq ans. Nous pouvons discuter du contenu, revoir certaines mesures. Mais la question des effectifs sera difficile à éluder. On ne peut plus reculer face aux décisions difficiles.»
Le futur directeur est prévenu : impopulaire, il le sera forcément, car il devra tailler dans la masse salariale. Qu'il prenne courage : être en poste à Ajaccio permet d'empocher quelques milliers d'euros de prime. L'hôpital d'Ajaccio figure sur la liste ministérielle des établissements «sensibles».
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