« ARCHITECTURE et psychiatrie » : avec ce colloque et l'ouvrage qui en est issu, l'architecture psychiatrique fait son analyse, interroge son histoire et ses circonvolutions. Une histoire qui témoigne notamment de la perception de la maladie mentale dans nos sociétés au cours des siècles.
Architecture et psychiatrie entretiennent des relations polémiques depuis bien longtemps. L'architecture psychiatrique a évolué au fil des siècles en fonction des transformations successives de la ville et du territoire, ainsi qu'en fonction des modalités d'exercice de la psychiatrie. Quel que soit le contexte dans lequel elle s'inscrit, elle se doit de prendre en compte aujourd'hui « les besoins de personnes souffrant de maladies mentales et leur traduction à travers une théorisation du soin », souligne Viviane Kovess-Masféty, l'un des auteurs de l'ouvrage, psychiatre, épidémiologiste et présidente de l'Association pour l'assurance qualité en santé mentale (Apaqsem).
Le colloque interprofessionnel organisé à l'initiative de l'association était « l'occasion d'une rencontre » entre architectes, ingénieurs, psychiatres, directeurs d'hôpital, usagers et leurs proches, sur le thème de l'architecture comme « élément essentiel de la qualité des soins ». Premier objectif : permettre à chacun de sortir de son domaine d'appartenance professionnelle pour entrer en relation fructueuse avec d'autres compétences et expériences. Le deuxième objectif a été, à travers la présentation des réalisations architecturales les plus récentes, d'alimenter la réflexion sur le plan du contenu (acquis et concepts à reprendre, erreurs à ne pas répéter) comme sur le plan du contenant (méthode d'élaboration collégiale).
Une architecture « suffisamment bonne ».
En reprenant les communications du colloque, illustrées d'une abondante iconographie (plans, dessins, photos), le livre explique les rapports entre la psychiatrie et l'architecture - équilibres intra/extra-hospitaliers, extérieur/intérieur, privé/public - et en présente les principaux enjeux : la rénovation des sites anciens, la conception de nouveaux lieux de soin, l'installation des soins de psychiatrie en hôpital général et en milieu très urbanisé. Le tout à travers des expériences historiques et récentes.
Cet ouvrage soulève également des questions essentielles. Y a-t-il une ou plusieurs spécificités de l'architecture psychiatrique ? Comment répondre aux besoins des divers usagers et de leurs familles - et quels sont ces besoins ?
Au chapitre 3, dans « La programmation : un maillon indispensable entre inconscient et réalité », Stéphan Courteix, architecte et docteur en psychologie, s'interroge plus avant : « Est-on prêt à questionner ce que l'on met à notre insu dans les murs de nos institutions - nous, professionnels de la santé mentale qui les pensons et professionnels de la construction qui les concevons et les réalisons -, au risque de devoir sonder les productions inconscientes qui nous habitent à l'égard de ceux à qui on destine ces institutions ? » Il précise par ailleurs : « Cette architecture que l'on ne souhaite pas défaillante, on sait [pourtant] qu'elle doit se garder d'être idéale, pleinement adéquate, comblante et satisfaisante, car la confrontation au manque, à la frustration, de même que le conflit, sont inhérents à la prise en compte du principe de réalité dans la vie psychique, au même titre que le désir et sa satisfaction. Ainsi, tâche ô combien complexe, il nous faut tous œuvrer à une architecture qui, pour être adaptée, aurait à réussir ce pari inouï de n'être que suffisamment bonne. »
Eléments de réflexion côtoient éléments de référence. Le livre apporte des réponses et des perspectives à tous ceux qui sont impliqués dans l'architecture psychiatrique, à travers des exemples concrets. Au-delà, il souligne l'importance d'une méthode de travail pluriprofessionnelle : l'articulation la plus précoce possible entre équipes de direction, équipes soignantes et architectes est posée comme condition centrale de la qualité architecturale et fonctionnelle.
« Architecture et psychiatrie », éditions Le Moniteur, 200 pages, 53 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature