«SI LA MÉDECINE nucléaire a été majoritairement confinée pendant près de quarante ans aux scintigraphies thyroïdiennes et osseuses, on a assisté depuis plus de dix ans à une révolution technologique majeure. Aujourd'hui, grâce au développement de nouveaux dispositifs et d'agents radiopharmacologiques, la médecine nucléaire à visée diagnostique est utilisée en France chez deux millions de malades par an. Elle est aussi utilisée dans un objectif thérapeutique chez 70000personnes atteintes de cancer », analyse pour le « Quotidien » le Pr Jean-François Chatal, chercheur à l'Inserm et président du congrès Nuclear Medicine Tomorrow qui vient de se tenir à Nantes.
Au milieu des années 1990, des systèmes de détection par tomographie à émission de positons (TEP) et par tomographie d'émission de simples photons (SPECT) couplés à des scanners ont été mis au point. Ce couple hybride permet une analyse couplée morphologique et fonctionnelle.
L'imagerie par TEP en oncologie est un domaine en continuelle évolution. Aujourd'hui, l'utilisation de fluorodéoxyglucose (FDG), un marqueur spécifique des cellules qui métabolisent le glucose, permet un bilan d'extension tumorale, une détection précoce des récidives et une analyse fine et immédiate de la réponse au traitement, notamment par chimio- ou immunothérapie. Dans les années à venir, on peut aussi imaginer que l'imagerie fonctionnelle permettra de mieux cibler les traitements après établissement d'un profil génétique des tissus tumoraux en mettant au point des biomarqueurs spécifiques. Aujourd'hui, une dizaine de nouveaux traceurs fluorés sont en cours d'évaluation : la F-dopa, utilisée en cancérologie en particulier pour les tumeurs neuroendocrines ; le F-estradiol, proposé pour la recherche de micrométastases ou de microrécidives des tumeurs du sein à expression estrogénique ; la F-choline, traceur de la membrane, utilisée dans le diagnostic des cancers de la prostate ; le F-misonidazole, enfin, qui permet de détecter les zones hypoxiques en particulier chez les patients atteints de tumeurs de la tête et du cou et chez qui des hautes doses de radiothérapie peuvent être utilisées.
Cibler sélectivement les cellules tumorales.
Mais le champ le plus prometteur, présenté au cours du congrès, est celui de la médecine nucléaire thérapeutique. Cette approche permet de cibler sélectivement les cellules tumorales (préciblage). Chez les patients souffrant de lymphome, l'utilisation d'iode 131 ou d'iridium 90 radioactifs ciblant spécifiquement les cellules CD22 ou la molécule HLA-DR permet, en association avec des chimio-immunothérapies (CHOP et tositumomab), d'obtenir de bons résultats à moyen terme. Les différents protocoles présentés permettent des rémissions complètes chez 60 % des malades, des rémissions partielles chez 77 % d'entre eux et des réductions de volume tumoral qui peuvent aller jusqu'à 80 %. Des techniques de préciblage ont aussi été utilisées chez des patients opérés de métastases hépatiques de cancer colique chez lesquels persistaient, après chirurgie, des cellules tumorales indétectables par imagerie. Des anticorps anti-CEA marqués ont permis chez les malades traités de doubler le temps de survie médiane qui est passé de 31 à 68 semaines. Des études complémentaires devraient permettre de mieux préciser les critères individuels qui pourraient être utiles au préciblage dans divers types de cancers tels que les cancers du poumon, du côlon ou du sein.
D'après un entretien avec le Pr Jean-François Chatal (INSERM unité 892).
Arronax, un cyclotron unique à Nantes
Fin 2008, Nantes disposera d'un cyclotron à haute énergie au sein du centre Arronax (accélérateur pour la recherche en radiochimie et en oncologie) qui permettra d'améliorer le diagnostic et le traitement du cancer, dans la région Pays de la Loire.
Dans cet établissement, un laboratoire de recherche devrait permettre la production de nouveaux médicaments radioactifs grâce à la conception, la production et l'utilisation de radio-isotopes utilisables dans les services de médecine nucléaire des laboratoires et des centres hospitaliers. Le projet scientifique repose sur des unités mixtes de recherche Inserm-Université de Nantes spécialisées en médecine nucléaire et sur un laboratoire spécialisé en physique des particules : l'unité mixte de recherche Subatech/CNRS/Ecoles des Mines/universités.
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