Un rapport du Conseil économique et social

L'approche médicale des maladies rares doit être améliorée

Publié le 04/10/2001
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Trois à quatre millions de Français et près de vingt-cinq millions d'Européens sont atteints par une ou plusieurs des 5 000 maladies rares répertoriées à ce jour. Par maladie rare, il faut entendre toute pathologie dont la prévalence est inférieure à 1 malade pour deux mille personnes. Quatre-vingts pour cent de ces maladies sont d'origine génétique, et la plupart sont « orphelines », c'est-à-dire sans thérapeutique adaptée. La faute à une absence de recherche spécifique, la rentabilité étant jugée insuffisante par les industriels.

Pourtant, le coût médical direct imputable aux maladies rares est loin d'être négligeable. En 1997, la France leur a consacré environ 17 milliards d'euros, soit 15 % des dépenses totales de santé. Une somme équivalente à celles liées au cancer ou aux maladies cardio-vasculaires. Pourtant, la prise en charge médicale des patients laisse à désirer, selon l'étude du CES. « Trop nombreux sont les médecins qui, face à des symptômes incohérents et à une maladie résistante, restent seuls dans leur coin. Ils s'entêtent à trouver une solution thérapeutique qui, en réalité, n'existe pas », explique Bernard Barataud, rapporteur de l'étude « Cinq mille maladies rares, le choc de la génétique »*, et par ailleurs président de Généthon et ancien président de l'Association française contre les myopathies.

Errance diagnostique

Principale conséquence du comportement des médecins pointé du doigt par l'étude : l'errance diagnostique. « Tous les malades décrivent un parcours anormalement long et compliqué pour être écoutés, pour s'informer et pour être orientés vers les équipes compétentes lorsqu'elles existent, afin de poser le bon diagnostic », rapporte Bernard Barataud. Résultat, un nombre important de diagnostics erronés tardifs, posés parfois après plusieurs années. Une étude du CREGAS réalisée sur un échantillon de 532 malades montre que seulement 5,2 % des patients ont été immédiatement diagnostiqués.
Or les retards et les erreurs de diagnostic ont souvent des conséquences dramatiques. Tout d'abord, ils créent une angoisse croissante chez le patient et sa famille, qui ne s'expliquent pas la maladie. Ensuite, ils permettent la naissance d'enfants porteurs de handicaps majeurs dans les familles à risque. Enfin, ils entraînent parfois des décès prématurés. « Dans certaines maladies métaboliques, le retard de diagnostic se compte en heures à partir de la naissance, et ses conséquences marqueront définitivement l'enfant avec des séquelles importantes », explique Bernard Barataud. Autre erreur fréquemment rapportée : la prescription d'un traitement médicamenteux inapproprié, inefficace, voire dangereux, pour le patient.

Des moyens d'information

Pour éviter l'errance diagnostique, plusieurs recours sont à la disposition des médecins. Depuis quelques années se sont développées diverses stratégies nationales qui visent à améliorer la circulation de l'information sur les maladies rares. A commencer par la création du centre téléphonique Allô-Gènes, en 1995 (Numéro Azur : 0810.63.19.20). Sa mission est de mettre à la disposition de tous l'information disponible sur les maladies génétiques en général, et sur les maladies rares en particulier. Les réponses, documentées et personnalisées, sont données de manière écrite. En six années de fonctionnement, Allô-Gènes a reçu plus de 20 000 demandes de renseignements, dont 3 000 provenant de médecins. Autre source d'informations précieuse, la banque de données Orphanet, lancée en 1997 par l'INSERM, en partenariat avec la direction générale de la Santé (orphanet.infobiogen.fr). Son objectif : optimiser l'utilisation des informations disponibles sur les maladies rares pour améliorer le diagnostic, le traitement, ainsi que la prise en charge des malades, et faire progresser la recherche. Toutefois, sur les 3 000 maladies répertoriées par la base, seules 1 300 font l'objet d'informations précises, qui concernent les programmes de recherche en cours, les laboratoires de diagnostic, les associations de malades, les consultations spécialisées, etc. On trouve également des renseignements sur les médicaments orphelins. Chaque jour, 2 500 connexions sont effectuées sur ce site, la moitié provenant des professionnels de santé. Le serveur accueille, en outre, le site Internet de 70 associations de malades, qui sont étroitement associées au processus de validation des données mises en ligne. « Cela préfigure un nouveau type de relation entre l'information, le malade, les médecins et le monde industriel », souligne Bernard Barataud.

« Pédagogie du doute »

Un autre moyen d'éviter les erreurs de diagnostic serait d'introduire, au cours de la formation initiale médicale, une « pédagogie du doute ». Un enseignement exhaustif des 5 000 maladies ne peut pas être envisagé. Mais il est possible « d'améliorer la formation au raisonnement ou à la vigilance », suggère le rapport. De même, pour la formation continue, « des modules d'information et de formation spécifique pourraient être proposés aux médecins par écrit ou par Internet ».
En dernier lieu, le rapport met l'accent sur la nécessaire évolution de certains comportements ou organismes insatisfaisants à l'heure actuelle. C'est notamment le cas de l'assurance-maladie, qui est invitée à réagir plus vite pour être plus proche des besoins réels des malades, sans tenir compte de la rareté de la maladie. En outre, « de nouvelles relations sont à construire entre médecins, patients et associations, afin de créer de nouveaux lieux de dialogue ». Le débat sur l'indispensable instauration d'un conservatoire national des prélèvements de l'ADN humain par les pouvoirs publics est relancé. L'objectif est de pouvoir étudier des collections d'ADN pour chaque maladie. Mais pour ce faire, « la présence d'un cadre juridique national et international précis et contraignant est obligatoire », rappelle Bernard Barataud. Or on n'en est pas encore là.

* Etude éditée par le « Journal officiel » (26, rue Desaix, 75727 Paris Cedex 15), collection « Avis », rapports et études du Conseil économique et social. Disponible sur le site www.ces.fr.

Delphine CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6982