Prise en charge des douleurs chroniques
L'APPROCHE COMPORTEMENTALE et cognitive permet de traiter des troubles variés : tocs, phobies, troubles du comportement alimentaire, etc. C'est une démarche scientifique et expérimentale, fondée sur les théories de l'apprentissage, qui utilise des procédures reproductibles et objectives. Elle agit sur le comportement actuel de la personne : le changement comportemental étant l'objectif recherché. Dans la prise en charge de la douleur chronique, elle permet un moindre clivage entre le modèle médical classique et le modèle psychologique.
La douleur chronique est considérée comme un comportement conditionné et la prise en charge est centrée sur le « comment faire avec ». Plusieurs études d'efficacité, notamment dans la lombalgie chronique (1, 2) et dans la fibromyalgie (3) ont montré sa supériorité par rapport à l'absence de traitement ou à une liste d'attente (patients sous traitement conventionnel). Elle améliore la douleur, le handicap et le comportement face à la douleur. Quant aux études de causalité, elles évaluent le rapport entre la peur de la douleur, l'efficacité personnelle (humeur et confiance en soi), l'acceptation, le coping (ou aptitude à faire face) et le niveau de la douleur. Deux recommandations de l'Anaes citent l'intérêt de la thérapie comportementale et cognitive dans la prise en charge des patients atteints de lombalgie chronique (2000) et de migraine (2002).
Les comportements à la base du travail.
L'approche comportementale et cognitive est fondée sur les théories de l'apprentissage, qui se réfèrent à trois modèles : le comportement répondant ou pavlovien, le comportement opérant, c'est-à-dire conditionné par ses conséquences (qui associe comportement répondant et coping du sujet). Ce dernier permet de définir les notions de renforcement positif qui correspond aux bénéfices secondaires (sollicitude de l'entourage, syndrome du revenu paradoxal...) et de renforcement négatif qui permet l'évitement de situations aversives (ne pas aller au travail...). Enfin, le dernier modèle, l'apprentissage social, associe aux deux précédents, les cognitions, qui dépendent de l'environnement socioculturel du sujet. En effet, les cognitions sont des pensées automatiques, involontaires, peu conscientes et plausibles qui régissent la vision du monde. Chez le douloureux chronique, il existe de nombreuses cognitions dysfonctionnelles ou distorsions cognitives. Par exemple, le raisonnement dichotomique en tout ou rien, le catastrophisme, l'inférence arbitraire, l'abstraction sélective, la personnalisation, la surgénéralisation, la maximalisation du négatif et la minimalisation du positif, qui vont aboutir à une inquiétude excessive, à une dramatisation, à une impuissance apprise, à une résignation, à une rumination, à une conviction d'être malade, à une incompréhension, à une culpabilité.
Faire du patient un acteur de sa prise en charge.
Schématiquement, l'objectif de la thérapie cognitive est d'améliorer les cognitions dysfonctionnelles, de travailler sur les émotions négatives tout en éduquant le patient. L'objectif de la thérapie comportementale est d'améliorer la condition physique afin de permettre à la personne de retrouver certaines activités, d'adapter les médicaments, d'apprendre à gérer le sommeil et le stress, d'améliorer le niveau de confiance et l'humeur tout en maintenant les acquis.
Le travail avec le patient consiste à mettre en évidence les comportements et les cognitions inadaptés à la situation problème ou situation cible. En effet, le douloureux chronique agit et pense souvent comme si la douleur était aiguë. Le travail d'éducation et d'information permet d'expliquer la pathologie elle-même et son traitement, d'expliquer ce qu'est la douleur chronique et ses conséquences délétères avec repli, évitement de certaines activités par peur de la douleur et/ou peur du mouvement. Des stratégies sont alors mises en place, faisant intervenir la relaxation, le réentraînement à l'effort, la reformulation cognitive.
Ainsi, le patient apprend « à faire avec », à être plus indépendant. D'une situation passive où il subit la douleur et donc les soins, il passe à une façon de faire plus active où il devient acteur de sa prise en charge, qui se veut obligatoirement pluridisciplinaire.
D'après un entretien avec le Dr Françoise Laroche, rhumatologue, centres d'évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Cochin-Tarnier et hôpital Saint-Antoine, Paris.
(1) Morley S, Eccleston C, Williams A. Systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials of cognitive behaviour therapy and behaviour therapy for chronic pain in adults, excluding headache. « Pain » 1999 Mar ; 80 (1-2) :1-13.
(2) Van Tulder MW, Ostelo R, Vlaeyen JW, Linton SJ, Morley SJ, Assendelft WJ. Behavioral treatment for chronic low back pain: a systematic review within the framework of the Cochrane back review group. Spine. 2000 Oct 15 ; 25 (20) : 2688-2699.9
(3) Thieme K, Gromnica-Ihle E, Flor H. Operant behavioral treatment of fibromyalgia : a controlled study. « Arthritis rheum » 2003 Jun 15 ;49(3) :314-20.
Des séances collectives ou individueles
Le travail avec le patient se fait :
- soit par l'intermédiaire de séances collectives, 6 ou 7 séances, d'une demi-journée, toutes les semaines, avec 6 ou 8 patients, durant les deux premiers mois, puis des séances de rappel à 3 et 6 mois pour le maintien des acquis ;
- soit par l'intermédiaire de séances individuelles, d'une demi-heure, une fois par semaine.
Dans les deux cas, un travail d'évaluation est fait au départ par analyse fonctionnelle. Ensuite commence la thérapie proprement dite. La thérapie comportementale vise à améliorer la condition physique du patient afin qu'il reprenne des activités. La thérapie cognitive travaille sur ses croyances erronées, ses émotions négatives et associe un travail d'éducation et d'information.
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