La prise en charge des urgences repose sur une chaîne dont les tout premiers maillons sont l'alerte et les gestes de premiers secours. Si chacun sait aujourd'hui que le pronostic vital en dépend étroitement, ces initiatives restent trop souvent tardives ou insuffisantes : bien que 70 % des arrêts circulatoires aient lieu devant témoins, moins d'un sur 10 entreprend des gestes de survie, tandis que les délais d'alerte restent encore trop longs.
« Tout citoyen devrait pouvoir porter secours avec des gestes simples » et « les enfants d'aujourd'hui formeront la société de demain » : de cette conviction et de ce constat de bon sens est née la volonté d'intégrer l'apprentissage des gestes d'urgence au programme scolaire, dès la maternelle. Un programme pédagogique a été élaboré conjointement dans ce sens par les ministères de la Santé et de l'Education nationale dès 1997. Piloté par la direction de l'Enseignement scolaire à l'Education nationale (avec un bureau pédagogique et un bureau « santé »), ce programme a notamment pour objectif de faire des enseignants eux-mêmes les acteurs de cette formation, plutôt que de miser sur des intervenants extérieurs. Il s'agissait en effet de « construire une éducation à la santé et à la solidarité qui ne soit pas considérée comme un savoir accessoire mais comme un savoir fondamental, structuré et évalué ».
Enjeu de santé publique en même temps que valorisation d'une nouvelle approche de l'autre dans un esprit de solidarité et de citoyenneté, cette action commence déjà à porter ses fruits. Engagée dans une cinquantaine de départements, l'application du programme se révèle bénéfique à plus d'un titre. Les enseignants signalent un retentissement sur les performances des élèves dans diverses disciplines : éducation civique, sciences naturelles, français, expression orale... Ils témoignent de la capacité des élèves, désormais, à « porter secours à l'autre » et de l'acquisition de comportements de solidarité chez des enfants parfois réputés « difficiles ». Enfin, les SAMU ont observé que leurs plus jeunes interlocuteurs qui les appelaient pour des problèmes de santé réellement urgents étaient de plus en plus fiables, avec un grand sens de l'observation.
Un premier bilan prometteur
Département engagé depuis 1998 dans l'application de ce programme, la Somme permet d'en dégager un premier bilan exemplaire. Sur ses 3 000 enseignants, 2 600 ont été formés en trois ans à l'éducation des gestes de premier secours (formation dispensée par les équipes de SAMU/CESU et de santé scolaire)*. Une évaluation individuelle, à l'aide de lecture d'images portant sur une cohorte de 340 élèves séparés en deux cohortes (groupe formé/non formé) en fin de grande section de maternelle, a révélé une nette amélioration des capacités d'observation et de description au sein du premier groupe. Sur les capacités d'action face à une situation d'urgence (alerter un adulte, le SAMU), le programme a démontré plus encore son efficacité : de 62 à 75 % des réponses étaient adaptées dans le premier groupe contre 8 à 14 % dans le second.
Enfin, une étude réalisée sur 115 appels d'enfants de moins de 13 ans au SAMU a mis en évidence une plus grande pertinence des alertes, notamment chez les enfants en difficulté scolaire, qui témoignent d'une attitude cohérente et de réelles compétences en situation d'urgence.
Un savoir particulièrement précieux chez les enfants chargés, seuls, de la santé d'un proche dont les appels donnent parfois lieu à une prise en charge sociale.
Double enjeu de santé et de société, ce programme scolaire d'apprentissage des gestes d'urgence s'inscrit dans la volonté de mobiliser les capacités de chacun, en cohérence avec la réforme du secourisme datée de 1991 qui marquait une simplification de la formation afin de la rendre accessible à tous. Voir un jour le taux de survie de l'arrêt cardiaque passer de 3 à 40 % n'est peut-être plus seulement un doux rêve.
* Une brochure a été éditée à destination des enseignants : « Apprendre à porter secours de la maternelle au collège : guide de l'enseignant », éditions Vigot-Maloine (prix des ouvrages pédagogiques du Festival EDIMED en 2002).
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