Par le Pr Marie Beylot-Barry*
L'IMPORTANT travail de groupe d'étude des lymphomes cutanés de l'EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) a abouti à l'élaboration, en 2005, d'une classification commune avec celle de l'OMS (1). S'appuyant sur des critères anatomocliniques, mais aussi évolutifs et pronostiques, elle a un intérêt pratique diagnostique et thérapeutique pour le clinicien (voir tableau).
On y confirme l'importance du groupe du mycosis fongoïde et de ses variantes, suivi par celui des lymphoproliférations cutanées CD30+. Pour les lymphomes B cutanés, à côté du groupe de bon pronostic (lymphomes de la zone marginale et centrofolliculaires), a été individualisé celui de pronostic intermédiaire des lymphomes B diffus à grandes cellules « type jambe », survenant plus souvent sur les membres inférieurs de sujets âgés et se caractérisant par de grandes cellules rondes exprimant bcl2, bcl6 et MUM1 (2). De nouvelles entités ont été individualisées, comme les lymphomes CD8+ cytotoxiques et les hématodermies CD4+/CD56+ (3). Des groupes de lymphomes ont été démembrés, comme les lymphomes sous-cutanés a-b de bon pronostic, distinct des lymphomes g-d agressifs (4).
Les travaux conjoins de l'ISCL (International Society for Cutaneous Lymphomas) et de l'EORTC ont permis d'actualiser les classifications TNM des MF/SS et des autres lymphomes cutanés.
Pour les MF/SS, ce staging tient compte des avancées de techniques diagnostiques notamment moléculaires (5). Cette actualisation concerne surtout le « N » avec une description plus pratique de l'atteinte ganglionnaire, et le « B », c'est-à-dire l'atteinte sanguine, en termes de pourcentage de cellules atypiques circulantes, mais aussi de clonalité sanguine détectée par PCR.
Pour les lymphomes cutanés hors MF/SS, il n'existait pas de classification TNM adaptée à ce type de lymphome (6). La classification proposée permet une description précise des lésions cutanées « T », pouvant guider le choix thérapeutique. T1 correspond à une lésion cutanée unique (T1a si < 5 cm, T1b si > 5 cm) ; T2 à une atteinte cutanée « régionale : lésions multiples situées dans une même région anatomique ou dans deux régions contiguës (T2a : lésions situées dans une zone < 15 cm, T2b : 15 et 30 cm, T2c : > 30 cm) ; T3 à une atteinte cutanée généralisée dans des régions non contiguës (T3a : 2 zones, T3b : + de 3 zones). Par définition, les lymphomes hors MF/SS sont « cutanés primitifs » donc N0, M0 au diagnostic.
Parallèlement, des recommandations consensuelles ont été élaborées quant au bilan à réaliser pour le diagnostic et pour évaluer l'extension devant un lymphome cutané (5, 6).
Place des thérapeutiques ciblées.
Enfin, de nouveaux traitements ont été récemment proposés dans les lymphomes cutanés. Cela concerne surtout des stades avancés de MF/SS car, pour les formes précoces localisées, les traitements locaux restent de première intention.
Après le bexarotène, nouveau rétinoïde spécifique des récepteurs RXR, ayant l'AMM dans les lymphomes T avancés réfractaires à au moins un traitement systémique, des thérapeutiques ciblées en particulier pour les lymphomes T ont été développées ou sont en développement. Certaines sont disponibles en ATU, certaines sont commercialisées en dehors de l'indication « lymphomes cutanés » et d'autres font l'objet d'essais thérapeutiques. Il s'agit d'anticorps monoclonaux comme l'anti-CD52 (alemtuzumab, Campath) et l'anti-CD4 humanisé HuMax-CD4, de la protéine de fusion Dab-IL2 (Ontak), de plusieurs inhibiteurs des histones désacétylases (vorinostat, depsipeptide, PDX-101…) ou d'un analogue nucléosidique (forodésine). Cependant, ces molécules permettent rarement des réponses complètes ou de longue durée. Des associations thérapeutiques soit entre ces molécules, soit avec des traitements plus classiques locaux ou systémiques, doivent être développées pour améliorer les taux de réponses et la durée de celles-ci, tout en préservant la qualité de vie du patient et en limitant les effets secondaires.
Pour les lymphomes B cutanés, l'anti-CD20 (Rituximab) a été proposé soit seul pour les formes multilésionnelles et/ou récidivantes de lymphomes centrofolliculaires et de la zone marginale, soit en association avec une polychimiothérapie dans les lymphomes B diffus « type jambe ».
Enfin, il faut savoir que, en France, l'INCa a labellisé, en 2007, un réseau national pour la prise en charge des lymphomes cutanés rares. Ce réseau a pour vocation, grâce à des réunions de concertation pluridisciplinaires de recours, d'aider le clinicien en difficulté devant un lymphome cutané posant des problèmes diagnostiques ou thérapeutiques.
* Service de dermatologie, CHU de Bordeaux - EA 2406 université Victor-Segalen, Bordeaux.
(1) Willemze R et coll. « Blood » 2005 ; 105 : 3768-85.
(2) Grange F et coll. « Arch Dermatol » 2007 ;143 : 1144-50. (3) Petrella T et coll. « Am J Clin Pathol » 2005 ;123 : 662-75.
(4) Willemze R et coll. « Blood » 2008 ; 111 : 838-45.
(5) Olsen E et coll. « Blood » 2007 ; 110 : 1713-22.
(6) Kim YH et coll. « Blood » 2007 ; 110 : 479-84.
(7) Duvic M. « Oncology » 2007 ; S21 : 33-40.
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