LES RESULTATS de l'essai américain WHI publiés en juillet 2001 ont attiré l'attention sur l'augmentation significative du risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées traitées par une hormonothérapie substitutive associant des estrogènes (estrogènes équins conjugués 0,625 mg) et un progestatif de synthèse (hydroxyprogestérone 2,5 mg).
Plus récemment, un essai réalisé au Royaume-Uni, « the Million Women Study » , a corroboré les résultats précédents, quels que que soient le type d'estrogène utilisé et son mode d'administration, quel que soit le type de progestatif, en continu ou en discontinu.
Ce surrisque existe-t-il en France où les THS associent des estrogènes, généralement sous forme de patch ou de gels, à la progestérone micronisée ou à des progestatifs de synthèse, souvent différents de ceux utilisés aux Etats-Unis et en Europe du Nord ?
Pour répondre à ces questions, Françoise Clavel-Chapelon et son équipe (Inserm, IGR) ont analysé les données concernant 54 549 femmes ménopausées de la cohorte des 99 897 participantes de l'étude E3N**. Ces femmes, nées entre 1925 et 1950, suivies depuis 1990, répondent régulièrement à des questionnaires.
Trente mille femmes prenaient un THS : 85 % utilisaient une association estroprogestative (progestatif de synthèse dans 65 % des cas, progestérone micronisée dans 20 % des cas) et 10 % un estrogène seul.
En dix ans, du début de l'étude jusqu'en 2000, 948 nouveaux cas de cancers du sein ont été répertoriés. Le risque de cancer du sein a été évalué chez les femmes utilisatrices de THS et les non-utilisatrices.
Une évaluation sur la durée du traitement.
L'analyse des chercheurs de l'Inserm a porté sur les risques en fonction de la durée du THS (moins de deux ans, entre deux et quatre, plus de quatre ans), de sa composition et du mode d'administration des estrogènes.
Afin d'évaluer avec un minimum de biais les effets de la prise de THS dès l'instauration du traitement, seules les femmes qui n'en ont jamais utilisé avant leur entrée dans l'étude ont été retenues.
Dans cette cohorte où la durée moyenne de traitement était de 2,8 ans, le risque de cancer du sein est plus élevé chez les utilisatrices de THS que chez les non-utilisatrices : risque relatif de 1,2 (intervalle de confiance à 95 % : 1,1-1,4 ). Cela signifie que, chez les femmes sous THS, le risque de développer un cancer du sein est augmenté de 20 % par rapport aux femmes non utilisatrices (chez lesquelles le risque relatif est égal à 1 par définition). Avec l'estrogène utilisé seul (femmes hystérectomisées), le surrisque est minime, voire inexistant (RR : 1,1).
En revanche lorsque l'estrogène, administré par voie orale ou par voie transdermique, est associé à un progestatif de synthèse, le risque de cancer du sein est significativement plus élevé, RR : 1,2, lorsque la durée du traitement est inférieure à deux ans, il est égal à 1,6 pour une durée de traitement comprise entre deux et quatre ans et atteint 1,9 pour une durée de traitement supérieure à quatre ans.
Avec l'association estrogène + progestérone micronisée, il n'y a pas d'augmentation du risque de cancer du sein pour une durée de traitement inférieure à deux ans (RR : 0,9, IC à 95 % : 0,7-1,2). Par ailleurs, ce risque est significativement inférieur à celui de l'association estrogène + progestatif de synthèse. Ce résultat reste à confirmer pour des durées de traitement supérieures à quatre ans.
Ces données, essentielles pour l'évaluation du bénéfice-risque associé aux différents traitements hormonaux substitutifs utilisés en France, méritent d'être encore approfondies. Elles seront complétées prochainement par de nouveaux résultats issus de l'étude E3N, conclut le Dr Françoise Clavel-Chapelon.
* « International Journal of Cancer ».
** Etude épidémiologique réalisée auprès des femmes de la Mutuelle générale de l'éducation nationale.
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