Il Y A PEU DE TEMPS encore, partir à la pêche au gène de susceptibilité à telle ou telle maladie multifactorielle en analysant plusieurs centaines de milliers de positions du génome chez des milliers de patients et des milliers de témoins sains paraissait être une idée complètement folle. Pourtant, c'est désormais devenu une routine, ou presque : l'explosion du nombre de publications scientifiques rapportant la découverte de multiples polymorphismes associés au diabète, aux maladies cardio-vasculaires ou à toutes sortes d'autres pathologies complexes est là pour en témoigner.
Mais, concrètement, que peut-on attendre de ces stratégies de criblage génomique à grande échelle ? L'identification de dizaines de variations génétiques qui augmentent chacune légèrement le risque de maladies cardio-vasculaires aura-t-elle un impact sur la prévention, le dépistage ou le traitement de ces pathologies ? Faire procéder à l'analyse de son génome (un service proposé par un nombre croissant de sociétés de biotechnologie américaines qui ont pignon sur Web) présente-t-il un quelconque intérêt ? «Probablement pas à court terme», ont répondu les experts réunis lors de la session génomique du colloque « La santé publique en 2020, enjeux et conséquences sur l'enseignement et la recherche », organisé la semaine passée par l'Ecole Pasteur-CNAM de santé publique. Cependant, la génomique constitue sans aucun doute une très bonne méthode pour découvrir de nouvelles voies cellulaires impliquées dans les phénomènes physiologiques et physiopathologiques encore mal compris, ont-ils unanimement souligné.
Pas d'hypothèse sur l'identité des gènes cherchés.
Lorsqu'il s'agit de trouver un nouveau locus génétique associé à une pathologie, les études d'association pangénomiques présentent un gros avantage par rapport aux approches classiques : «Il n'est pas nécessaire d'avoir une hypothèse sur l'identité des gènes que l'on recherche pour se lancer dans ce type d'étude. Elles permettent ainsi de découvrir des variations génétiques qui touchent des gènes impliqués dans des fonctions qu'on n'aurait jamais mises en relation avec la maladie étudiée», explique François Cambien, directeur de l'unité de recherche génétique épidémiologique et moléculaire des pathologies cardio-vasculaires (unité INSERM U 525, Paris). A l'appui de ces dires, le chercheur cite un très récent travail au cours duquel une équipe de l'université du Michigan a recherché des polymorphismes associés aux dysfonctions du métabolisme des lipides*. «Ces travaux ont non seulement permis de retrouver les facteurs de risque déjà connus, mais ils ont surtout conduit à l'identification de nouveaux facteurs qui suggèrent l'implication de mécanismes totalement inédits dans le métabolisme des lipoprotéines et le risque cardio-vasculaire. »
Malheureusement, dans cette étude comme dans la vaste majorité des expériences de criblage génomique, les variants mis en évidence ne sont associés qu'à de très faibles augmentations du risque de maladie. Ils ne présentent donc que peu d'intérêt pour le clinicien. Certes, la combinaison de plusieurs facteurs peut parfois aboutir à l'identification de génotypes associés à des sur-risques importants, suffisamment élevés pour que leur dépistage présente théoriquement un intérêt. Mais, en pratique, de telles stratégies de dépistage sont-elles vraiment utiles ?
François Cambien semble en douter : «L'effet de la combinaison de plusieurs variants génétiques est difficile à prévoir et à comprendre.
En revanche, certains marqueurs phénotypiques synthétisent très bien les informations génétiques. Un marqueur phénotypique comme le taux de cholestérol circulant est le résultat de la combinaison de différents facteurs génétiques et de facteurs environnementaux. Et il constitue un bon indicateur du risque cardio-vasculaire», un indicateur qui reste aujourd'hui, et probablement pour quelques années encore, bien plus simple à évaluer et bien plus fiable qu'un complexe test génétique.
* Willer CJ et coll. « Nature Genetics », février 2008, vol. 40, pp. 161-9.
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