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On en parle déjà beaucoup. Les visiteurs se bousculent à l'entrée. La présentation de ces œuvres est un événement. Pourquoi ? Parce qu'elles n'ont quasiment jamais été montrées en France et que les collections françaises possèdent très peu de toiles de Klimt et de Schiele. En outre, l'œuvre de Koloman Moser est dédaignée et presque ignorée dans notre pays. Enfin, la période 1900 et l'Art déco jouissent depuis quelques années d'un engouement qui ferait presque de l'ombre à l'impressionnisme...
En 91 toiles et 55 dessins, ce parcours entend dresser un panorama, le plus exhaustif possible, des bouleversements picturaux qui enrichirent la capitale de l'empire austro-hongrois et conduisirent à la Sécession viennoise, apogée de cette révolution. Admirable illustration du Jugendstil (ou Art nouveau) et de « l'Art total », la Sécession, mouvement découlant du symbolisme et conduisant à l'expressionnisme, fondé par Klimt et ses amis peintres en 1897, se diffusa dans toute l'Europe. Les œuvres exposées ici ont toutes été réalisées entre 1890 et 1918 (année de la disparition de Klimt, Schiele et Moser), période qui correspond à la maturité et à la plénitude artistique des quatre peintres.
Gustav Klimt au sommet.
L'exposition se décline en trois parties principales, qui correspondent à trois genres picturaux traditionnels : la peinture d'histoire, de paysages et de portraits (ici appelée « Figures »). Les toiles sont groupées par affinités formelles ou plastiques (structures, lignes, formes, espaces, rythmes, tonalités, correspondances...).
Les œuvres de Gustav Klimt, solaires, impériales, profondément novatrices, dominent par leur puissante et unique beauté stylisée l'ensemble de l'exposition. Certaines des toiles les plus éminentes du maître viennois sont absentes. Celles qu'on voit sont néanmoins superbes et significatives. Saluons le Portrait de Mäda Primavesi, les sensuelles Danaé et Judith II, ainsi que Les trois âges de la vie, œuvres dans lesquelles apparaissent toutes les caractéristiques du style klimtien : entremêlement des formes, brillants ornements, jeux hypnotisants d'arabesques, insertion des figures qui se fondent dans le décor, rupture de la perspective, planification de l'espace, accumulation de petites touches et d'éléments décoratifs, ramifications des lignes, schémas géométriques...
L'auteur du célèbre Baiser a inspiré Kokoschka tout autant que Schiele. A l'instar de Klimt, Kokoschka privilégie les thèmes oniriques et les motifs classiques issus de la mythologie grecque ou de la religion chrétienne. Après des débuts primitivistes et des œuvres presque cubistes, Kokoschka peint au moyen d'une touche vigoureuse des formes fougueuses et agitées, dans une gestuelle inquiétante et un style expressionniste.
Une esthétique du macabre.
Celui qui fut son rival, Egon Schiele, développe copieusement les thèmes de l'amour, de la sexualité et de la mort, dans une sorte d'esthétique du macabre (voir les morbides Visionnaires, les noirs et effrayants Ermites où il se représente aux côtés de Klimt, et l'excitation angoissante du regard de l'éditeur Eduard Kosmack dans le fameux portrait que Schiele fit de lui). A l'élégance des figures réalisées sous l'influence de Klimt au début, succèdent des formes aux contours anguleux non moins intéressantes, une géométrisation très stylisée de l'espace, d'audacieux cadrages, une occupation totale de la toile par des formes accumulées, une schématisation qui frôle l'abstraction parfois, une matière unique, transparente. On ne manquera pas les merveilleux dessins de Schiele, rehaussés de couleurs, aux formes contorsionnées, pointues et chaotiques.
Moser, quant à lui, inspiré des légendes germaniques et de Wagner, cultive un style tout en formes simplifiées et en couleurs irradiantes, très immatérielles. Pas de formes exacerbées chez lui mais un style très réaliste et très moderne.
On a souvent qualifié à tort l'art de Klimt et de Schiele de « décoratif » ou de « mineur » et l'on a souvent mésestimé les œuvres de Kokoschka et de Moser. L'apport de ces quatre peintres à l'histoire du XXe siècle est pourtant immense. Ils annoncent l'abstraction et l'on se nourrit encore aujourd'hui de leurs avancées picturales et de leur avant-gardisme. Leurs œuvres expriment la vie dans ses pulsions les plus violentes, ses angoisses les plus pénétrantes et sa métaphysique la plus profonde.
Galeries nationales du Grand Palais, jusqu'au 23 janvier ; tlj sauf mardi de 10 h à 20 h (mercredi jusqu'à 22 h), entrée 10 euros (TR : 8 euros), tél/ 01.44.13.17.17. Catalogue de l'exposition, 368 pages, éd. RMN, 45 euros.
« Le Petit Journal des grandes expositions », 16 pages, éd. RMN, 3,50 euros. « Abécédaire de Klimt », par Alyse Gaultier, Flammarion,120 p., 9,95 euros.
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