S'exprimer, comprendre, lire...
L'aphasie est une atteinte du langage qui se manifeste par une perte partielle des capacités à s'exprimer, à comprendre, à lire et à écrire. La plupart des activités de la vie courante vont se trouver perturbées : les aphasiques vont éprouver des difficultés pour regarder la télévision, écouter la radio, lire le journal, téléphoner, écrire des lettres ou remplir des documents administratifs. «Les quatre modalités du langage que sont l'expression, la compréhension, la lecture et l'écriture seront fréquemment toutes atteintes au début, explique le Pr Mazaux. Puis on a souvent tendance à observer une récupération plus précoce des facultés de compréhension, de lecture et d'écriture. Ainsi, on retrouve le plus souvent des patients qui présentent des difficultés à s'exprimer par la parole. » Notons que, chez le sujet aphasique, seules les facultés de transmission de l'information sont affectées dans le système de communication ; les capacités relationnelles ne sont pas atteintes.
Une approche pragmatique
«Depuis une dizaine d'années, on observe une révolution dans la prise en charge», indique le Pr Mazaux. On a longtemps axé le bilan d'une aphasie sur les symptômes observés, et non sur les activités quotidiennes perturbées. Les tests alors utilisés, dont le test d'aphasie de Boston, détaillaient l'ensemble des symptômes. Ce bilan permettait ensuite d'élaborer la rééducation orthophonique en fonction de ces symptômes.
«Aujourd'hui, de nouveaux tests, et en particulier le test lillois de communication et l'échelle d'incapacité de Bordeaux, prennent en compte, plus que les symptômes, les situations de la vie quotidienne et sociale dans lesquelles le patient se trouve en difficulté.» La rééducation orthophonique sera donc prescrite en fonction de ces difficultés. On parle aujourd'hui de «rééducation pragmatique»: elle vise à s'adapter au patient en fonction de ses besoins au quotidien. Et le Pr Mazaux d'ajouter : «On a longtemps entendu les cliniciens différencier les aphasies de Broca ou de Wernicke. Aujourd'hui, ces termes ne sont plus guère utilisés, car on s'est aperçu que cette classification anatomoclinique n'avait pas d'utilité en pratique et ne permettait pas d'orienter la rééducation.» On parle donc aujourd'hui plus volontiers de patients « réduits » et de patients présentant des aphasies dites « fluentes » :
– les patients dits « réduits » présentent des troubles d'expression. On observe une réduction de leur fluence, c'est-à-dire de leur débit. Ils comprennent bien, mais parlent peu ;
– à l'inverse, les patients qui présentent des aphasies dites « fluentes » ont un débit normal, mais des troubles de compréhension et du langage écrit.
«Mais plus que ces classifications, devront d'abord être prises en compte les tâches précises qui mettront le patient en difficulté dans sa vie de tous les jours.» Les activités le plus fréquemment affectées sont les capacités de lecture et de rédaction du courrier administratif, l'usage de la carte bancaire, les capacités à pouvoir tenir une conversation téléphonique avec un inconnu ou sur des sujets abstraits. Les patients aphasiques apparaissent souvent moins en difficulté que ne pourraient le laisser supposer leurs troubles chez les commerçants car, dans ces situations, la communication passe également par les gestes.
Dépister la dépression
L'aphasie survient souvent brutalement et, en quelques secondes, la vie bascule : ils ne peuvent plus communiquer. C'est un traumatisme énorme pour le patient comme pour ses proches. Cet événement va bouleverser la structure familiale et, bien souvent, la personne aphasique ne pourra pas reprendre son activité professionnelle. Voilà pourquoi un soutien psychologique est le plus souvent nécessaire. De même, des symptômes dépressifs devront être systématiquement recherchés. «Il est particulièrement difficile de diagnostiquer une dépression chez un sujet aphasique, remarque le Pr Mazaux ; la plupart des tests passent par le langage.» Il faut donc insister sur l'importance de certains symptômes physiques comme une anhédonie, des troubles du sommeil, une perte d'appétit ou une grande asthénie. En cas de doute, on n'hésitera pas à instaurer un traitement antidépresseur d'épreuve.
La rééducation orthophonique
La rééducation orthophonique est prescrite en fonction des situations problématiques et vise à améliorer les capacités de communication. Différentes techniques peuvent être utilisées et en particulier les mises en situation sous forme de jeux de rôle. La technique Pace (Promoting Aphasic's Communicative Effectiveness), utilisée par les orthophonistes, permet de s'adapter à tous les patients puisqu'elle leur donne la possibilité d'utiliser tous les moyens de communication possibles. «Aujourd'hui se mettent également en place aux Etats-Unis (Pr Cole, Colorado) des techniques de mise en situation en réalité virtuelle, qui reposent sur l'utilisation de logiciels vidéo», ajoute le Pr Mazaux.
Contrairement à ce que l'on va pouvoir observer pour la récupération de l'hémiplégie, la récupération de l'aphasie ne répond pas à une norme standardisée. Elle est donc extrêmement variable d'un sujet à l'autre. Certains patients vont pouvoir récupérer la totalité de leurs capacités en quelques mois, alors que d'autres continueront à progresser après plusieurs années de rééducation, mais, dans tous les cas, la rééducation orthophonique n'a plus à prouver son efficacité.
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