« COMME EN 2004, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris devra relever en 2005 le double défi de l'activité et du retour à l'équilibre », écrit la direction des finances de l'AP-HP à ses directeurs de site, en pleine période de préparation des budgets 2005.
L'AP-HP, plus gros établissement public de santé de France et même d'Europe, regroupe 39 hôpitaux. Sa directrice générale, Rose-Marie Van Lerberghe, a passé un accord avec l'État en octobre 2003 : l'établissement s'est engagé à économiser 240 millions d'euros sur quatre ans, en échange de quoi il bénéficie d'un rebasage budgétaire important.
« Après le premier semestre (2004), reprend le service financier, le budget est tenu et tout indique que nous réaliserons presque en totalité les 60 millions d'euros d'économies prévus, mais il est indispensable de maintenir l'effort pour réduire encore le déficit. » Le ton est vite donné : la situation financière reste « préoccupante », d'autant que, avec la montée en charge de la tarification à l'activité (T2A), l'AP-HP s'attend à perdre chaque année plus de 30 millions d'euros de recettes à niveau d'activité constant.
Ce bref préambule est suivi d'une liste des efforts à poursuivre pour relever à nouveau le défi du retour à l'équilibre en 2005 : redéploiement des moyens cliniques pour réduire les files d'attente de patients, augmentation de l'activité de soins (de + 2 %, comme ce qui est observé en 2004), réduction des coûts portant principalement sur les plateaux techniques (économie attendue : 31,5 millions d'euros) et les fonctions support (économie attendue : 28,5 millions d'euros).
Les médecins mis à contribution.
Les médecins devront être acteurs à part entière de ce plan d'économies, puisqu'il leur est demandé d'engager « une démarche de juste prescription des examens d'imagerie et de laboratoire ». Selon le siège, l'AP-HP prescrit près de 40 % d'examens de plus que la moyenne des hôpitaux. L'accent sera donc mis sur la réduction des prescriptions médicales (objectif en 2005 : - 3 % pour les examens de biologie et d'imagerie). Et ce d'autant plus qu'en 2004, « les objectifs de réduction des dépenses de prescription (médicaments ou examens) se sont révélés difficiles à atteindre », note la direction des finances dans un document sur la préparation du budget 2005.
Chacun des 39 sites de l'AP-HP a reçu son objectif d'économies pour 2005 (voir le tableau que s'est procuré « le Quotidien »). Ces objectifs varient de 1,4 % (hôpital San Salvadour) à 4,4 % (hôpital Bretonneau) ; la moyenne est de 2,5 % pour l'ensemble de l'AP-HP (contre 2,3 % en 2004). Comment parvenir à économiser cette nouvelle tranche de 60 millions d'euros ? « La direction de chaque établissement aura la responsabilité de proposer des mesures structurelles (restructurations de services, suppressions d'effectifs) permettant d'atteindre cet objectif », précise la direction des finances, qui incite à « privilégier les " investissements de productivité" susceptibles de procurer, à court ou à moyen terme, des économies en exploitation ».
Pression sur les coûts.
Ce discours digne d'un chef d'entreprise a le don d'agacer le Dr Patrick Pelloux : « A Saint-Antoine, on nous demande de faire 2 millions d'euros d'économie alors que notre activité a bondi de 15 % en 2003 : c'est totalement contradictoire : d'un côté, on nous dit faites des économies et, de l'autre, augmentez votre activité. » Concernant les examens et l'imagerie, l'urgentiste, président de l'Amuhf (Association des médecins urgentistes hospitaliers de France), reconnaît que les jeunes praticiens prescrivent beaucoup, pour se protéger d'éventuels procès. « Il faut senioriser les équipes médicales, sans pour autant tomber dans une logique d'excès, dit-il . A Saint-Antoine, par exemple, on nous a reproché de faire des bilans prétransfusionnels : mais nous n'avons pas le choix, une réglementation récente nous l'impose! »
Le Dr Patrick Werner est chef des urgences à l'hôpital Beaujon et membre du Cndh (Comité national de défense des hôpitaux). Depuis le début de l'année, il ressent « une pression sur les coûts extrêmement importante qui ne se relâche pas de semaine en semaine ». Cette pression est-elle efficace ? « On continue à déraper, mais nettement moins », croit-il savoir. Ce praticien ne s'oppose pas sur le principe à l'objectif de baisse des prescriptions médicales, au contraire : « A Beaujon, où les prescriptions de laboratoire et d'imagerie représentent 12 % du budget total, on considère que c'est une piste de travail intéressante à creuser », poursuit le praticien, sceptique malgré tout : « Je ne pense pas que, avec cela, on arrivera à rentrer dans les clous. » Le Dr Werner craint surtout que les restructurations aboutissent à une baisse de l'offre de soins.
Daniel Dutheil est syndicaliste FO à Beaujon. Ses propos sont nettement plus directs : « La directrice générale est en train de liquider notre hôpital. On ferme des lits par manque de personnel. La chirurgie vasculaire et la pneumologie vont partir ailleurs. On vide nos laboratoires pour les envoyer à Bichat. La direction propose de supprimer 52 postes en 2005, sans nous avoir consultés. Les médecins râlent car ils n'ont plus assez de personnel. » Bref, rien ne va plus à Beaujon, soutient Daniel Dutheil, convaincu que l'AP-HP se dirige tout droit « vers un plan social analogue au secteur de la sidérurgie ».
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