Jean-François Mattei a surpris son monde mercredi dernier, en rendant publique la lettre de mission qu'il a adressée à la nouvelle directrice de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Rose-Marie Van Lerberghe (« le Quotidien » du 24 janvier). Dans cette lettre, il expose clairement les grands axes de réforme qu'il souhaite donner à l'AP-HP. Des axes qui reposent sur deux mots clés : décentralisation et contractualisation interne.
« Même si cela fait des années que l'on évoque ces pistes, c'est bien la première fois que le problème est posé aussi clairement au plus haut de l'Etat », remarque Guy Collet, conseiller du président de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui se réjouit de l'affichage d'une volonté politique. « Sans doute ce qui a manqué jusqu'à présent », ajoute-t-il. Rappelant que le problème majeur de l'institution, c'est sa dimension liée à une administration ankylosée, Guy Collet juge « bonne » la méthode du ministre. « C'est une chance pour l'AP-HP », ajoute-t-il, optimiste.
Une réforme qui va dans le bon sens, c'est aussi l'avis du Dr Stanislas Johanet, qui exerce à l'hôpital Trousseau de l'AP-HP. « Donner plus d'autonomie aux hôpitaux locaux et les responsabiliser me semble cohérent avec le plan Hôpital 2007 », explique cet anesthésiste, qui croit comprendre que « le voeu du ministre est à terme de banaliser l'AP-HP dans la région Ile-de-France ». Cette banalisation passera notamment par la mise en oeuvre d'un système unique de tarification commun aux hôpitaux et cliniques : la tarification à l'activité, que le ministre veut tester dès cette année sur une soixantaine d'hôpitaux retenus parmi 300 candidatures. Pour l'heure, ce dispositif est « rigoureusement incompatible avec l'AP-HP, qui négocie son budget directement avec Bercy », souligne le Dr Johanet.
20% plus cher
« Quand on sait que l'AP-HP coûte au moins 20 % plus cher que les autres CHU, on comprend à quel point l'application de la tarification à l'activité y sera difficile », confirme un directeur d'hôpital de l'AP-HP, qui apprécie
« le recentrage des missions du siège sur la stratégie, et l'évaluation des sites à partir d'indicateurs de résultats est une bonne idée ». « Ce qui manque en revanche, ce sont les moyens pour ramener l'institution dans les clous au niveau de sa surface et de son coût. » L'annonce de la réforme intervient après que la mairie de Paris a changé de camp. Un contexte politique qui n'aura pas échappé aux principaux intéressés. Alain Lhostis, adjoint (communiste) au maire de Paris, Bertrand Delanoë, et nommé par lui président du conseil d'administration de l'AP-HP, regrette, dans un communiqué, que la feuille de route remise à Rose-Marie Van Lerberghe ne fasse « à aucun moment référence au plan stratégique de l'institution voté l'an dernier à la quasi-unanimité du conseil d'administration et approuvé par les autorités de tutelle ». « Quel sens peut avoir cette "modernisation" si elle ne s'appuie ni sur les douze programmes d'actions prioritaires ni sur la quinzaine d'opérations importantes de restructurations en cours? » s'interroge Alain Lhostis.
Son directeur de cabinet à l'AP-HP, Christian Do Huu, trouve les réformes du ministre « insuffisantes », puisque n'y figure pas le projet social et professionnel à la base du plan stratégique de l'AP-HP. Il se dit également surpris par les critiques et par la prise de position du ministre sur un domaine d'ordinaire réservé au conseil d'administration. Il précise : « Si le nouveau gouvernement veut durcir sa position par rapport à la gestion de l'AP-HP, on s'en tiendra au code de santé publique, qui confie au conseil d'administration le rôle de fixer les grandes orientations de la maison. » « Cela étant, évidemment, nous sommes d'accord pour une modernisation de l'AP-HP », conclut-il.
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