L’ART ROCAILLE est le style artistique qui domina en France du début du XVIIIe siècle jusque vers 1760, et dont le prolongement outré fut le rococo. À l’encontre de cet art exubérant et de ce lyrisme accusé, certains artistes, dès les années 1720-1730, se firent les champions d’un renouveau stylistique, dans les domaines de la peinture, des arts décoratifs et de l’architecture. De nombreux regards convergèrent alors vers l’Antiquité, que les milieux intellectuels d’Europe remirent au goût du jour. On fit construire des maisons rappelant les temples grecs (édifiées par les architectes William Chambers, Soufflot ou Robert Adam…). Bouchardon réalisa des sculptures renvoyant aux bustes romains ou aux drapés de Praxitèle. Les peintres du milieu du XVIIIe (Mengs, Greuze, Clodion, Hamilton…) adoptèrent un vocabulaire à l’antique inspiré de Nicolas Poussin, qui, lui-même, avait fait référence au monde antique en distillant dans ses toiles la grâce et le raffinement, la sérénité et la noblesse, tout en méditant sur la place de l’homme dans l’univers. Partout l’Antiquité fut exaltée, ressuscitée, fantasmée…
L’exposition du Louvre explique à merveille, d’une manière didactique et chronologique, mais néanmoins sensible et subjective, comment trois principaux contre-courants allèrent, à partir des années 1750-1760, contrebalancer cet engouement pour la culture gréco-romaine. Le style « néobaroque », d’abord, dont Fragonard fut l’un des dignes représentants, traduisit le plaisir, la grâce, la légèreté, la sensualité. Les compositions des peintres néobaroques, loin d’être solennelles et emphatiques, restaient toutefois sérieuses et dynamiques. Avec le « néomaniérisme », influencé par la Renaissance et le XVIe siècle, les artistes Cades, Julien de Parme, Nollekens, Batoni, firent preuve d’une virtuosité élégante et raffinée. Enfin, le courant « gothic » ou « sublime » (inspiré des théories du philosophe Edmund Burke), rassembla des artistes visionnaires qui livrèrent leurs interprétations sublimées et fantasmées de la réalité (Füssli, Barry, Sergel, Banks, Desprez…).
À la fin du XVIIIe, un langage plus universel domina, qui mit en avant les valeurs héroïques, la vertu triomphante de l’homme, le « goût martial », le corps magnifié… David fut la grande figure de ce nouveau style, synthèse entre le réalisme du Caravage et l’idéal de beauté antique de Raphaël et de Poussin. Citons également les sculptures de Sergel et Canova, dans lesquelles les mouvements, les drapés, les détails sont privilégiés.
Cette exposition est recommandable à plusieurs titres. Elle met en valeur les richesses artistiques et les préoccupations de toute une époque, elle jette la lumière sur une période passionnante de l’art européen où les artistes tentèrent de différentes manières de reformuler l’Antiquité. Elle fait enfin découvrir des œuvres d’une richesse somptueuse.
« L’Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle », Louvre, tél. 01.40.20.53.17. Tlj sauf mardi, de 9 à 18 heures (mercredi et vendredi jusqu’à 22 heures). Jusqu’au 14 février 2011. Catalogue, éd. Musée du Louvre/Gallimard, 480 p., 49 euros
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