« DEFINIE comme la formation de nouveaux vaisseaux à partir de vaisseaux préexistants, l'angiogenèse est un processus biologique indispensable au développement tumoral : un apport suffisant en oxygène et en nutriments par les vaisseaux est crucial pour la survie des cellules tumorales », explique le Pr Jacques Pouysségur (Cnrs, centre anticancéreux Antoine-Lacassagne, Nice).
Le développement tumoral se déroule en plusieurs étapes :
- une phase dormante avasculaire au cours de laquelle les cellules tumorales en faible nombre restent quiescentes ; il y a un équilibre entre l'apoptose et la prolifération des cellules tumorales ; la vascularisation est assurée par les vaisseaux présents ;
- le switch angiogénique résultant de la surexpression de facteurs proangiogéniques, parmi lesquels le Vegf (Vascular Endothelial Growth Factor), et responsable de la rupture de l'équilibre préexistant entre facteurs proangiogéniques et facteurs antiangiogéniques ;
- la phase vasculaire, étape au cours de laquelle la tumeur acquiert la capacité à stimuler la formation de néovaisseaux via la production de Vegf.
Le Vegf, pivot de l'angiogenèse.
Le Vegf, facteur de croissance de l'endothélium vasculaire produit par les cellules tumorales et libéré dans l'espace extracellulaire, joue un rôle clé dans l'angiogenèse. Il se fixe sur les récepteurs spécifiques transmembranaires de type tyrosine-kinase situés à la surface des cellules endothéliales des vaisseaux péritumoraux.
Cette fixation provoque des réactions en cascade qui déclenchent le processus d'angiogenèse. Les néovaisseaux qui en sont issus sont immatures ; ils se ramifient pour former, autour de la tumeur, un nouveau réseau vasculaire qui favorise ainsi sa croissance et la dissémination de métastases à distance.
« Choisir l'antiangiogenèse comme approche thérapeutique présente des avantages par rapport aux traitements anticancéreux classiques », souligne le Dr Jérôme Fayette (service d'oncologie, hôpital E.-Herriot, Lyon) :
- sa sélectivité (action ciblée sur les néovaisseaux),
- une activité potentielle dans tous les types tumoraux,
- l'absence de résistance,
- l'accès direct des médicaments à leur cible,
- l'association possible à d'autres approches thérapeutiques (traitements antiprolifératifs...),
- un effet thérapeutique non cytotoxique qui permet d'envisager une meilleure tolérance et un effet thérapeutique à long terme.
Une cible thérapeutique majeure.
Les travaux de recherche sur l'inhibition du Vegf ont abouti à la synthèse de molécules susceptibles d'interagir avec ses voies d'activation, des molécules ciblant le ligant du Vegf dont le bevacizumab (approuvé par la FDA américaine en février 2004) et des molécules ciblant son récepteur, actuellement en cours de développement ; entre autres exemples : le SU 11248 Récepteur 2 Vegf (phase III) évalué dans les Gist (tumeurs stromales gastro-intestinales) et en deuxième ligne dans les cancers du rein métastasés, le Bay43-9006 (phase III) dans le cancer du rein métastasé.
Le bevacizumab (Avastin) est un anticorps monoclonal recombinant humanisé (93 % humain, 7 % murin) qui se lie au récepteur du Vegf aussi bien in vitro qu' in vivo. Son mécanisme d'action est fondé sur la liaison entre le Vegf et ses récepteurs (Fit-1 et KDR) à la surface des cellules endothéliales.
L'administration de bevacizumab, dans des modèles de transplantation de cancers coliques humains chez la souris, entraîne une réduction de la croissance des microvaisseaux et une inhibition de la croissance tumorale (1).
Avastin est indiqué actuellement dans le traitement de première intention du carcinome colo-rectal métastasé (avis favorable du comité européen des médicaments à usage humain le 21/10/2004) en association avec une chimiothérapie adjuvante comprenant du 5-FU.
Un vaste essai de phase III conduit par un réseau d'investigateurs sous la coordination du groupe Ecog (Eastern Cooperative Oncology Group) a été mené chez 829 patients atteints d'un cancer colo-rectal avancé ou métastasé ayant rechuté après une première chimiothérapie.
Les résultats préliminaires montrent que l'association d'Avastin à la chimiothérapie de référence (Folfox 4) améliore significativement la survie globale des patients : 12,5 mois chez les patients qui ont reçu l'association, contre 10,7 mois pour ceux ayant reçu Folfox seul.
Ateliers Media Roche, avec la participation des Prs J. Pouysségur (Nice) et A. de Gramont (Paris), et du Dr J. Fayette (Lyon).
(1) L. G. Presta et al., « Cancer Res » 1997 57, 4593-4599.
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