1) Les enjeux cliniques
L'anorexie mentale est majoritairement perçue comme une entité nosographique spécifique de l'adolescence. Or le déni des troubles, la volonté de contrôle permanent associés à cette pathologie, ainsi que l'errance médicale et le manque de structures en particulier dans certaines régions, retardent souvent la prise en charge, et favorisent la chronicisation de l'anorexie mentale à l'âge adulte.
2) Les indications d'hospitalisation
Les principales indications d'hospitalisation comprennent : l'amaigrissement sévère (indice de masse corporelle < 15), la gravité des complications somatiques, le risque de passage à l'acte suicidaire, l'échec d'une prise en charge ambulatoire bien conduite… L'hospitalisation en psychiatrie pour traitement de l'anorexie mentale doit toujours être librement consentie par la patiente (jamais d'hospitalisation en urgence, en dehors des hospitalisations en service de médecine destinées à régler un problème somatique aigu), le plus souvent après un temps de préparation et de réflexion lors d'un suivi ambulatoire initial.
3) Une unité pluridisciplinaire
L'unité d'hospitalisation « Troubles des conduites alimentaires » de la Clinique des maladies mentales et de l'encéphale (Cmme*) a été créée il y a vingt ans. L'équipe soignante comprend : psychiatres, psychologues, infirmières, aide soignantes, diététicienne, kinésithérapeute, psychomotricienne, socio-esthéticienne, ergothérapeute, assistante sociale… Cette unité accueille 20 patients adultes et souffrant d'anorexie mentale pour une hospitalisation temps plein de plusieurs mois.
L'hospitalisation pour anorexie mentale dans notre unité peut être décrite selon trois grandes phases successives (voir 4, 5 et 6). Au décours de la première semaine d'hospitalisation permettant à la fois l'observation de la patiente (symptomatologie alimentaire, comorbidité psychiatrique, dimensions de personnalité, interactions sociales, état nutritionnel, bilan somatique, complications métaboliques…) et la préparation du programme de soins (défini par le contrat), la patiente va signer avec l'équipe soignante de l'unité un contrat de soins personnalisé où les objectifs alimentaires, pondéraux et comportementaux, les moyens thérapeutiques mis en oeuvre, les conditions d'hospitalisation, la durée des soins et les modalités de contact avec l'extérieur seront précisés (et adaptés à chaque cas).
4) Le parcours nutritionnel
La première phase de ce contrat de soins correspond à l' étape nutritionnelle.
Il s'agit pour la patiente de reprendre du poids, de diversifier son alimentation en réintroduisant progressivement les aliments évités (féculents, viande, matières grasses, produits sucrés…), de corriger ses carences nutritionnelles et ses désordres métaboliques, de modifier ses comportements à table s'ils étaient inadaptés, et de supprimer certains symptômes associés (boulimies, vomissements, potomanie, hyperactivité, purgatifs…).
5) Les aspects psychologiques
Le deuxième temps hospitalier correspond à l'étape psychologique.
La prise en charge psychothérapeutique fait partie intégrante du processus de soins ; le type de psychothérapie est réfléchi au cas par cas et dépend de nombreux paramètres tels que : le parcours psychothérapeutique antérieur, le profil de personnalité de la patiente, ses capacités d'élaboration… Peuvent être proposés des abords thérapeutiques très différents : thérapie de soutien, d'inspiration analytique, d'affirmation de soi, thérapie cognitive, thérapie à médiation artistique, groupe d'expression…
L'abord corporel est fondamental dans cette pathologie : des activités telles que la danse, la relaxation, la balnéothérapie, les séances de soins esthétiques… aident généralement les patientes dans leur démarche de réappropriation de leur corps. Les patientes s'engagent avec leur infirmière référente dans des séances de massage-toucher thérapeutique, dans l'abord de leur image dans le miroir, dans l'essayage de vêtements adaptés à leurs nouvelles mensurations…
La patiente au cours de cette seconde phase va également continuer à progresser sur le plan alimentaire et apprendre à se sentir plus à l'aise dans les situations autour de l'alimentation : élaboration de menus, préparation de repas, courses, évaluation des quantités servies, repas au restaurant ou dans différentes situations…
La prise en charge de l'entourage familial (parents, ainsi que conjoint, enfants…) est aussi personnalisée : entretiens réguliers avec les membres de l'équipe soignante, groupe de parents, voire dans certains cas début d'une thérapie familiale.
6) Le lien entre l'hôpital et l'extérieur
La fin de l'hospitalisation, appelée phase de stabilisation, sert de transition entre l'hôpital et l'extérieur : au cours de permissions de plus en plus longues, la patiente va appliquer à l'extérieur les acquis hospitaliers (maintien d'une alimentation quantitativement suffisante et diversifiée, stabilisation pondérale, autonomie dans la gestion des repas…). La patiente va aussi reprendre contact avec son environnement amical et social, envisager la reprise de l'activité professionnelle ou de ses études…
Le programme de soins post-hospitalier, indispensable, se réfléchit en concertation entre l'équipe et la patiente : suivi régulier en consultation, journées en hôpital de jour spécialisé dans la prise en charge des troubles alimentaires…
7) En conclusion
Dans notre unité spécialisée, l'abord cognitivo-comportemental va organiser le cadre général de l'hospitalisation et va structurer la prise en charge des symptômes alimentaires ; les psychothérapies sont définies au cas par cas, et prennent en compte les facteurs de personnalité. Les objectifs de l'hospitalisation et les moyens thérapeutiques sont inscrits dans le contrat de soins. Ce contrat sert de médiation entre la patiente et l'équipe soignante, et va rassurer la patiente par sa permanence et sa personnalisation.
* Cmme, hôpital Sainte-Anne, Paris.
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