LE 28 JUIN, Valérie Pécresse et 92 parlementaires ont déposé deux propositions de loi à l’Assemblée. L’Académie, qui mène une réflexion sur l’accès aux origines personnelles, a jugé utile de faire connaître dès maintenant sa position. «L’Académie est d’accord avec l’idée que certains adultes puissent connaître de grandes souffrances psychologiques lorsqu’ils sont nés sous l’anonymat», reconnaît le Pr Roger Henrion, en citant l’exemple de personnes de 80 ans à la recherche de l’identité de leur mère « de naissance ». Mais il faut bien voir que cette demande s’inscrit dans une tendance à donner la primauté à la biologie et à la génétique, la filiation biologique primant de plus en plus sur les filiations affective et juridique.
Les demandes d’adultes nés sous X sont cependant bien moins nombreuses que ne le prévoyait le Cnaop (Conseil national pour l’accès aux origines personnelles). En trois ans, 1 740 seulement ont été enregistrées et leur nombre décroît d’année en année. La France recense également beaucoup moins d’accouchements sous X qu’auparavant.
Jeunes filles et migrantes.
Quel est le profil des femmes qui choisissent d’accoucher sous X ? Le cas le plus courant est celui de la fille très jeune et non autonome. Puis des migrantes (50 % des cas à Paris, de 30 à 50 % en province), de confession musulmane, qui vivent encore dans leur famille, où la grossesse hors mariage est comme un déshonneur. «Ces jeunes filles sont alors exposées au rapatriement dans leur pays, au mariage forcé, à des représailles physiques et, pour ce qui concerne les Turcs, parfois à un crime d’honneur.» Le troisième profil est celui de femmes d’une quarantaine d’années, abandonnées par leur mari. Elles ont souvent déjà deux ou trois enfants et sont sans qualification. Enfin, les victimes de viol (de 10 à 15 % des femmes qui accouchent sous X).
L’un des nombreux arguments avancés par Mme Pécresse pour rejeter l’anonymat est d’en finir avec la stigmatisation des mères seules. «Il ne s’agit pas de mères célibataires, mais de jeunes filles qui abandonnent leur enfant», rappelle le Pr Henrion. Des jeunes filles qui prennent beaucoup de risques en dissimulant leur grossesse, et arrivent souvent à l’accouchement sans avoir subi un seul examen médical.
Un autre argument rejeté par l’académicien est celui de la situation en Europe. Il rappelle que l’Italie et le Luxembourg ont la même législation que la France.
Dernier argument des tenants de la proposition de loi, cette fois concédé par le Pr Henrion : l’accouchement sous X détourné. Il peut en effet servir dans le cas d’une gestation pour autrui (GPA), alors que les mères porteuses sont interdites en France.
Pour l’Académie, il est en tout cas trop tôt pour modifier une loi qui ne date que de 2002. La crainte est celle de répercussions psychologiques qui pénaliseraient surtout les femmes le plus en difficultés.
Rupture du socle éthique.
La deuxième proposition de loi, qui vise à lever l’anonymat des donneurs de gamètes, n’est pas moins dangereuse, selon l’Académie. D’autant que tous les dons, y compris ceux d’organes, pourraient être concernés avec les deux articles du Code civil et du Code de la santé qui portent sur l’anonymat et le secret. «Nous risquons de provoquer la rupture du socle éthique», plaide le Pr Georges David.
L’une des raisons principales avancées par Mme Pécresse est la souffrance psychique exprimée par les enfants issus d’un don de gamètes. Or ces enfants sont très peu nombreux : selon le Cecos (Centre d’étude et de conservation des oeufs et du sperme), 25 enfants seulement, sur les 50 000 issus d’un don de gamètes depuis 1973, ont fait une demande d’accès à leurs origines.
Certains demandeurs s’appuient sur la Convention internationale des droits de l’enfant signée par la France, qui stipule que «l’enfant a le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux». Pour le Pr David, il s’agit bien ici de parent et non de géniteur. Le principal problème soulevé par ces propositions demeure ainsi la définition de la filiation. Pour l’Académie, une chose est sûre : le plus important, c’est le lien affectif.
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