LE SYNDROME de Wiskott-Aldrich est une maladie héréditaire, touchant les garçons, liée au chromosome X. Le syndrome associe un déficit immunitaire, une thrombocytopénie, des plaquettes de petite taille (4 ou 5 µ). Cliniquement, on observe un eczéma, une susceptibilité aux maladies auto-immunes (anémies hémolytiques, vascularites le plus souvent) et la survenue de cancers (notamment des lymphomes pendant l’adolescence).
Dans les formes sévères, une diarrhée sanglante survient pendant les premiers jours de la vie. Les pétéchies, les ecchymoses, des saignements prolongés après une circoncision peuvent conduire au diagnostic. Il existe des anomalies variables des cellules T et B, avec des réponses anticorps atténuées.
Trois frères, mais pas les soeurs.
En 1937, Alfred Wiskott, un pédiatre allemand, avait décrit la maladie en publiant le cas de trois frères qui ont présenté peu après leur naissance une thrombocytopénie, une diarrhée sanglante, un eczéma et des otites récurrentes. Tous trois sont décédés rapidement après des hémorragies digestives et des infections sévères.
Comme les soeurs n’étaient pas affectées, Wiskott a soupçonné une origine génétique liée à l’X d’une maladie congénitale affectant les plaquettes. En 1954, Aldrich et coll. ont retracé la généalogie sur six générations d’une famille où 16 garçons sur 40 étaient décédés du syndrome préalablement décrit par le pédiatre.
En 1994, on a identifié l’anomalie génétique, sous la forme de mutations portant sur le gène WAS (localisée sur Xp11.22-p11.23) codant la protéine WASP (Wiskott-Aldrich Syndrome Protein). La protéine a été d’abord désignée de cette manière, car on ignorait sa fonction. Ensuite, on a trouvé qu’elle déclenche la polymérisation du cytosquelette actinique des cellules du système hématopoïétique.
La connaissance du gène responsable permet d’effectuer un diagnostic anténatal précoce, sur biopsie de trophoblaste à 11 semaines d’aménorrhée, lorsque la mutation dans la famille à risque est identifiée.
La maladie peut être traitée par transplantation de cellules souches hématopoïétiques. Une décennie plus tard, plus de 160 différentes mutations portant sur les 12 exons du gène ont été trouvées dans plus de 270 familles non apparentées. Les domaines fonctionnels de la protéine WASP ont été déterminés.
Dans la dernière étude en date, une équipe allemande a réalisé une analyse génétique sur trois générations chez les membres de la famille où le syndrome a été initialement décrit ; elle publie l’identification de la mutation à l’origine de la forme sévère décrite pour la première fois par Wiskott en 1937.
«Apportant la solution d’un mystère vieux de plus de soixante-dix ans», ils mettent en évidence une mutation nulle : une délétion d’un dinucléotide sur l’exon 1 de WAS, porté par des apparentés des trois garçons décrits dans un premier temps. «Une conclusion intellectuellement satisfaisante»; elle conforte les efforts des pédiatres allemands qui ont décrit la maladie, commente un éditorialiste.
Le succès de greffe de moelle chez un garçon atteint.
Plus gratifiante encore est la description par les auteurs d’un succès thérapeutique chez un garçon affecté de cette famille par transplantation de moelle hématopoïétique d’un donneur compatible pour HLA mais non apparenté.
«En l’espace de deux générations, une maladie fatale est devenue curable», commente-t-on.
La maladie de Wiskott-Aldrich a certainement bénéficié des progrès réalisés pour les syndromes d’immunodéficits combinés sévères.
Les études de patients souffrant de cette maladie génétique apportent des données supplémentaires : on sait maintenant que les filles porteuses de l’anomalie, qui sont normalement asymptomatiques, peuvent parfois devenir symptomati- ques. Une de ces patientes présente ainsi un déséquilibre d’activation génétique, un chromosome X s’exprimant davantage.
Les chercheurs ont aussi trouvé de mutations « non sens » portant sur WAS, avec des phénotypes variants soit de maladie légère, soit de neutropénie isolée inexpliquée.
WASP est une protéine qui se replie sur elle-même in vitro et interagit avec d’autres protéines, que l’on identifie peu à peu. «La fonction de WASP comme régulateur majeur de la polymérisation de l’actine et de la réorganisation du cytosquelette explique un certain nombre des traits cliniques (conséquences de l’altération d’événements intracellulaires dépendants de l’actine) .» Plus de 50 % des mutations trouvées dans cette maladie demeurent uniques.
« New England Journal of Medicine », 2006 ; 355 : 1790-1793. Commentaires pp. 1759-1761.
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