A l'exception notable de MG-France, les responsables des principaux syndicats de médecins de ville accueillent plutôt favorablement, parfois même avec enthousiasme, la décision du Conseil constitutionnel de censurer la réforme de l'architecture conventionnelle qu'avait proposée le gouvernement par un amendement de dernière minute.
Le Dr Claude Maffioli, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) se dit « content » de cette décision. Elle confirme, selon le Dr Maffioli, que le gouvernement a « fait n'importe quoi », à la fois en introduisant en catimini son amendement-esquisse et en faisant contribuer l'assurance-maladie au financement des 35 heures. « Dans une démocratie, il y a des règles de décence juridique à respecter », souligne le Dr Maffioli. Le président de la première centrale syndicale de médecins libéraux considère donc que « cette manière de gouverner n'est pas respectable ». « Je sais très bien que le gouvernement va essayer de remettre son texte dans un autre contexte », poursuit le Dr Maffioli, mais la CSMF, prévient-il encore, « continuera de batailler contre ce qui sera l'habillage d'un même concept ».
« Incompétence »
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) accueille lui aussi avec « satisfaction » la censure du Conseil constitutionnel. Dans un communiqué, il rappelle qu '« il aurait été plus constructif d'ouvrir de véritables négociations et de tenir compte des remarques et des critiques de la société civile plutôt que de tenter de légiférer à la petite semaine ».
Le SML estime qu'il ne reste plus à Elisabeth Guigou « qu'à ouvrir de véritables négociations ou présenter sa démission ». Le Dr Dinorino Cabrera, président du SML, constate « l'incompétence » d'un « gouvernement d'illusion, à la Majax », qui fait « beaucoup d'agitation pour rien ».
Même si la réforme est réintroduite dans le projet de loi sur les droits des malades, « elle peut ne jamais s'appliquer », toujours selon le Dr Cabrera, dans la mesure où une nouvelle loi de financement de la Sécurité sociale devra être élaborée avant que n'expire, fin 2002, l'actuelle convention des généralistes.
« C'est excellent, se réjouit carrément le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF). Il fallait une gifle pour condamner la non-communication d'Elisabeth Guigou, c'est fait. » Le Dr Brun estime que la censure du Conseil constitutionnel « sanctionne un habillage de réforme, monté de toutes pièces, à la dernière minute, sans aucune concertation avec les partenaires, qui n'ont même pas été consultés pendant l'été ».
Quant aux conséquences de la décision dans le domaine des rapports entre professions de santé libérales et organismes de Sécurité sociale, le Dr Brun est catégorique. « De toute façon, tout le monde sort des clous en ce moment, affirme-t-il. Les médecins corses se fabriquent leur propre C, les syndicats appellent à l'utilisation du dépassement d'honoraires et chacun se rend bien compte que les discussions promises par le gouvernement, c'est de la poudre aux yeux. »
Le CNPS et MG-France déçus
Les responsables syndicaux qui soutenaient globalement la démarche de réforme proposée par le gouvernement réservent un accueil beaucoup plus mitigé à la décision du Conseil constitutionnel. Le Dr Jacques Reignault, président du Centre national des professions de santé (CNPS), souhaite que cette censure « sur la forme » ne remette pas en cause le processus de renouveau conventionnel que prévoyait la loi de financement de la Sécu pour 2002. « Je suis convaincu que le gouvernement trouvera une solution, que les choses seront rétablies d'une manière ou d'une autre, même si certaines dispositions du texte censuré soulevaient beaucoup de critiques », déclare-t-il.
Le CNPS, qui s'est réuni hier pour commencer à définir le contenu du futur accord-cadre prévu dans l'article censuré (c'est-à-dire le socle conventionnel commun aux professions de santé libérales) devait décider de poursuivre ses travaux normalement. C'est en effet le CNPS qui est chargé de conclure cet accord-cadre avec au moins deux caisses nationales d'assurance-maladie (dont la CNAM). « Au pire, on va travailler pour l'avenir, déclare le Dr Reignault. Maison ne peut pas, de toute façon, rester dans le système actuel avec le mécanisme des lettres clés flottantes, la clause de revoyure et tout ce bazar. » MG-France, qui avait plaidé pour ce processus de « reconstruction » conventionnelle affiche clairement sa déception. « Quel immense gâchis et quel temps perdu ! », s'emporte le Dr Pierre Costes, président de MG-France. Même s'il estime que le processus de rénovation de l'architecture conventionnelle n'est pas remis en cause sur le fond, il considère que ce « vice de forme dans la procédure » est « extrêmement regrettable ».« Pendant que les institutions se renvoient la balle, pendant que les textes s'affrontent, les médecins généralistes assument leur métier mais aussi celui de la Sécu et de l'Etat », déclare-t-il. « Tout ce temps perdu, qui ne se rattrape pas, résume le Dr Costes, va être pris par les médecins comme du mépris et cela va aggraver leur révolte. » Et même si le gouvernement annonce une solution pour réintroduire sa réforme, le président de MG-France estime désormais que le nouveau cadre conventionnel ne sera mis en place qu' « après les élections ».
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