P OUR l'ANIT (1), qui a tenu ses 22es Journées nationales à Chambéry les 8 et 9 juin, le temps est venu d'intégrer dans la société les usagers de drogues, afin qu' « ils participent à la tranquillité de la cité », dit au « Quotidien » son vice-président Michel Boulanger. « L'important est de travailler à une citoyenneté à part entière. Le toxicomane doit avoir les mêmes droits que n'importe quel autre citoyen ». « En effet, poursuit le spécialiste, directeur de l'association savoyarde Le Pélican, notre activité de prise en charge sanitaire trouve une limite s'il n'y a pas d'intégration sociale. » D'ailleurs, révèle une étude de la Délégation interministérielle à la Ville et de l'ANIT, à Bordeaux, Toulouse, Amiens, Chambéry et Garges-les-Gonesses en 2000-2001, l'idée du toxico-délinquant et celle du toxico-malade avec le VIH n'ont plus cours. Aujourd'hui, le toxicomane, qui « associe produits psychoactifs licites et illicites, est mieux accepté par le corps social ». Certes, « en termes d'économie parallèle, il continue d'exister un marché des drogues prohibées » et la consommation peut entraîner « une grande nuisance sociale » dans les quartiers. Dans tous les cas, les politiques de prévention et de sécurité doivent aller de pair. Plus question d'intervenir « par rapport aux soins et à la personne souffrante, mais en fonction de l'intégration du sujet dans la société ». « Dans le même temps, souligne Michel Boulanger, il nous appartient, nousmouvement associatif, de déployer une pédagogie sociale pour répondre à l'inquiétude d'habitants » bousculés, agressés dans leur vie quotidienne. La politique mise en uvre par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie depuis trois ans va dans le bon sens. Elle ne fait plus la distinction entre les substances interdites et autorisées - quoi de plus légal que les cigarettes, dont la mafia italienne fait un trafic plus juteux que celui de l'héroïne - et encourage les démarches locales en matière de coordination des soins d'éducation, de prévention et de répression, notamment grâce aux contrats de ville et d'agglomération. Quant à légaliser le cannabis, que des revendeurs en herbe font transiter dans les poches de gamins des rues de Paris âgés de 4 à 6 ans, au vu et au su de tout le monde, et qui donne lieu à un marché florissant, les élus et les policiers sollicités par l'ANIT pensent que « faire sauter un tel verrou risque d'être encore plus catastrophique ».
Légaliser le haschisch ?
Le Dr Francis Curtet, pour sa part, annonce, dans son dernier ouvrage « La drogue est un prétexte » (Flammarion), qu' « il nous faut envisager sérieusement de légaliser le haschich d'ici à quelques années (devenu alors "fait culturel" ), tout en prévoyant des dispositions suffisamment vigilantes pour ne pas abandonner à leur sort ceux qui seraient tentés de l'utiliser non par plaisir, mais pour fuir ». « On rêverait d'un gouvernement qui aurait pour slogan : "Un jeune : une place" », déclare le psychiatre, qui craint que « le XXIe siècle soit chimique, ou plutôt chimiquement contrôlé » (voir encadré). « Si l'on n'y prend pas garde, prévoit-il par ailleurs, dans vingt ans, le monde sera dominé par les trafiquants de drogue et d'armes. »
Pendant ce temps, les citoyens qui vivent dans les quartiers livrés au non-droit, attendent toujours. La notion de « citoyens usagers de drogue » laisse perplexe depuis que le rapport Roques affirme que l'alcool et le tabac sont plus dangereux que le cannabis (2). « Ce qui est vrai et faux à la fois, commente le Dr Francis Curtet. Vrai à long terme, faux à court terme. Conduisez un véhicule après avoir fumé deux paquets de cigarettes, vous ne risquez rien. Faites la même chose après avoir fumé plusieurs joints, vous avez toutes les chances de vous casser la figure. ».
(1) Tél. 04.78.56.46.00.
(2) « La Dangerosité des drogues » (édit. Odile Jacob).
Kouchner : priorité à la substitution
Le ministre délégué à la Santé a tenu a réaffirmer, devant les congressistes de l'ANIT, le bien-fondé de la substitution. Il s'agit d'une « priorité de santé publique », qu'il entend d'ailleurs faire progresser en développant les voies d'accès aux produits de substitution. Un bilan sera prochainement rendu public sur les six premières années de ce volet de la politique dite de réduction des risques. Quant à la prescription de méthadone, limitée aux centres spécialisés de soins aux toxicomanes, elle va être élargie au milieu hospitalier.
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