Le temps de la médecine
Comme pour l'adulte, l'animal familier est un partenaire anxiolytique pour l'enfant. Caresser un chien, un chat, regarder des poissons rouges fait baisser la TA et la fréquence cardiaque. Mais la fonction de l'animal dépasse largement ce simple effet. Il est perçu comme confident et complice, et il ne juge pas. L'enfant peut laisser libre cours à ses émotions et accorder ses comportements émotionnels après avoir livré ses confidences à son partenaire.
Cinq compétences
Pour les psychophysiologistes du développement, l'enfant, dès la naissance, doit s'appuyer sur cinq compétences socles pour intégrer les informations du monde extérieur. La relation avec l'animal va révéler et soutenir ces compétences socles qui sont :
- L'attention visuelle soutenue : l'interaction yeux dans les yeux est un régulateur fondamental des émotions. L'enfant y puise une capacité à s'ouvrir aux autres et à y échanger des émotions. Avec l'animal, l'échange yeux dans les yeux est facile et peut être établi sur une longue durée, ce qui est rassurant. La quasi-totalité des enfants sont fascinés ou troublés par ce qu'ils lisent dans les yeux des animaux : les chiens, qui quêtent le regard humain, les chats, qui distribuent leurs illades autour d'eux. Mais aussi les dauphins, qui ont une capacité particulière à orienter le regard en direction du visage humain, et certains perroquets, qui ont un contact il à il durable avec les humains.
- L'élan vers l'interaction : l'enfant réduit la distance avec le partenaire pour créer une bulle de communication et établir un attachement sécure. Pour cela, il utilise le langage, les gestes, le regard. A cet égard, le chat est un exemple caricatural, car il est capable de manifester des élans très marqués (il ronronne, se frotte aux jambes, s'aplatit contre la poitrine de l'humain) et peut, de ce fait, envahir les émotions, affects et fantasmes de l'enfant. Les chiens sont toujours à l'écoute, prêts à mobiliser leurs élans vers l'interaction. Les perroquets ont une capacité langagière interprétée comme un élan vers l'interaction. Des élans d'interaction réciproque avec les humains sont observés avec les espèces utilitaires : chèvres, vaches, ânes, chameaux, rennes. Tous ces animaux peuvent représenter une soupape mentale pour les enfants qui n'ont plus de repères affectifs.
- Les comportements affiliatifs, c'est-à-dire indicateurs d'une adhésion aux émotions, aux actes, au discours, aux pensées. On peut citer les sourires, les comportements jubilatoires, les sollicitations de l'attention d'autrui, les ajustements continuels de comportement et de gestuelles. Ce sont des socles essentiels pour les conduites de communication élaborées et durables (socialisation, activités symboliques, transmissions interactives).
Les chiens et les dauphins libèrent des potentialités vocales et gestuelles très soutenues pour l'homme. L'enfant interprète leurs manifestations comme des marques d'adhésion (contentement, joie, recherche de proximité corporelle). Les ronronnements et les démonstrations corporelles des chats sont considérés comme autant de fortes demandes affiliatives. C'est vrai également pour les chevaux. Les perroquets partagent moins d'émotions.
- L'organisation structurée et ciblée du geste : les espèces le plus souvent acceptées dans la mouvance et l'habitat de l'homme ont une organisation corporelle qui remplit des fonctions comparables : chien qui fait le beau, chats, habiles et souples, dauphins, agiles dans l'eau, etc. Et aussi le cheval, qui possède une élégance, un dynamisme et une énergie naturels.
- La capacité d'imitation : les enfants décodent les attitudes de leurs animaux familiers pour leur prêter des capacité d'imitation, même si, à l'évidence, ils ne peuvent avoir une gestualité au sens humain du terme, les singes mis à part. Chez les enfants en difficulté, qui ne peuvent libérer facilement leurs émotions car ils sont dans l'insécurité affective, l'animal a un double rôle à jouer. D'une part, il peut être un révélateur de l'organisation psychologique de l'enfant. D'autre part, sa relation régulière, quotidienne avec l'enfant, peut devenir structurante des processus émotionnels. « L'animal peut déverrouiller le monde intérieur de l'enfant par ses effets anxiolytiques et la sécurité affective qu'il installe », explique le Pr Montagner. La présence animale a aidé certains enfants en échec scolaire à se réaliser comme élève et à se construire un apprentissage requis.
Dans le domaine de la psychiatrie, les observations sont dispersées. Les essais thérapeutiques avec des protocoles qui permettraient une systématisation des effets manquent. Les premières observations ont été rassemblées par Levinson en 1969 dans un livre sur la « pet therapy ». Aujourd'hui, l'engouement semble avoir diminué. Pourtant, il serait important que la clinique soit étayée.
* Directeur de recherches en psychophysiologie et psychopathologie du développement (INSERM UMR 5543, Bordeaux-II).
Références : « L'Enfant et l'animal, les émotions qui libèrent l'intelligence », de Hubert Montagner, Odile Jacob, septembre 2002.
« Pet Oriented Child Psychotherapy », de B. Levinson, Springfield, Thomas, 1969.
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