En préambule à ses recommandations, l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé) rappelle que l'analyse des données de la littérature permet de conclure à l'intérêt clinique d'un dépistage ciblé de diabète de type 2 en France métropolitaine. A contrario, les données françaises étaient insuffisantes pour définir avec précision les modalités du programme de dépistage à mettre en place, les recommandations de l'ANAES reposent principalement sur les avis d'experts membres des groupes de travail et de lecture.
« D'une façon générale, souligne le Pr Philippe Passa (hôpital Saint-Louis, Paris) , le premier message à faire passer est que le dépistage du diabète de type 2 ne consiste pas à faire des glycémies chez tout le monde n'importe quand. Il faut pratiquer ce dosage dans des contextes qui sont bien précisés par l'ANAES si l'on veut faire reculer le coût humain et économique des complications micro- et macroangiopathiques du diabète de type 2. »
Dépistage opportuniste
Le dépistage opportuniste ciblé sur des sujets de plus de 45 ans est proposé chez ceux qui, en plus de l'âge, ont au moins un des marqueurs de risque de diabète suivants : marque du syndrome métabolique (IMC supérieur ou égal à 28 kg/m2), HTA (systolique supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou diastolique supérieure ou égale à 90 mmHg et/ou HTA traitée) ; HDL cholestérol inférieur ou égal à 0,35 g/l et/ou triglycérides supérieurs à 2 g/l ; antécédents de diabète familial (au premier degré), de diabète gestationnel ou d'enfant ayant un poids de naissance supérieur à 4 kg et, enfin, diabète temporairement induit. Enfin, il faut souligner qu'une origine non caucasienne et/ou le fait d'être un migrant est considéré comme un marqueur de risque. A ce sujet, le Pr Philippe Passa souligne que « les Maghrebins, les Noirs et les Asiatiques payent un lourd tribut au diabète de type 2 quand ils arrivent dans nos pays occidentaux : les gènes qui ont protégé leur famille pendant les périodes de famine les exposent au diabète quand ils mangent nos nourritures souvent hypercaloriques. A commencer par les pizzas et les hamburgers, qui ont pour caractéristique de ne pas être très chers. »
Au plan technique, le dépistage doit être réalisé sur une glycémie à jeun. Si les résultats sont négatifs, le test devra être répété tous les trois ans ou tous les ans en cas de mise en évidence d'une hyperglycémie modérée. Un suivi plus rapproché (entre un et trois ans) doit être effectué chez les sujets ayant plusieurs marqueurs de risque.
Un dépistage communautaire
A coté du dépistage opportuniste, profitant d'une consultation motivée pour autre chose que le dépistage du diabète, l'ANAES propose un dépistage communautaire associé chez les sujets de plus de 45 ans en situation de précarité, avec ou sans autre marqueur de risque associé. En effet, fait remarquer le Pr Philippe Passa, on constate dans nos services hospitaliers que ce sont les sujets en situation de précarité qui arrivent, pour des raisons évidentes, dans l'univers médical au stade des complications.
Les règles du dépistage sont, par ailleurs, les mêmes que celles édictées pour le dépistage opportuniste. Cependant, il est prévu que le test pratiqué pour le dépistage puisse être soit une glycémie veineuse à jeun au laboratoire, soit une mesure de glycémie par prélèvement capillaire. Dans ce dernier cas, les valeurs seuils ont été déterminées à 1,20 g/l, si le prélèvement a été fait plus de deux heures après le dernier repas, et à 1,50 g/l s'il a été fait moins de deux heures après.
Une fois le dépistage réalisé, il reste à instaurer une prise en charge efficace, ce qui n'est pas très facile pour les sujets en état de précarité, reconnaît le Pr Philippe Passa. « Quoi qu'il en soit ce dépistage communautaire permettra sûrement d'éviter à de nombreux sujets les complications les plus graves du diabète, un gain pour eux-mêmes et pour la collectivité. »
Une démarche globale
Même si la recommandation de l'ANES porte uniquement sur le dépistage du diabète de type 2, il va de soi que ce dépistage doit s'intégrer dans une démarche diagnostique visant à dépister les autres facteurs de risque cardio-vasculaires, qu'il s'agisse du tabagisme, de l'hypertension ou d'une dyslipidémie. Par ailleurs, il va également de soi que l'amélioration du dépistage est un prérequis à une meilleure prise en charge du diabète de type 2, mais qu'elle n'assure pas pour autant une bonne prise en charge thérapeutique et en particulier une bonne observance. « Autrement dit, insister sur l'importance du dépistage, conclut le Pr Philippe Passa, ce n'est pas mettre en exergue l'importance d'un test, c'est créer dans tous les publics une dynamique visant à faire reculer les conséquences dramatiques d'un problème de santé publique dont l'importance ne peut que croître du fait du vieillissement de la population et de la progression alarmante de l'obésité. »
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