Plus de 80 ans
Par seniors, en gériatrIe, il faut entendre les personnes de plus de 80 ans. La sexualité des personnes de la soixantaine n'a rien de remarquable, si ce n'est le cours du vieillissement normal. Le thème de la sexualité du sujet âgé a suscité beaucoup d'études, qui montrent que l'intérêt demeure, même aux âges les plus avancés, et que la poursuite de l'activité sexuelle peut durer toute la vie. Ainsi, celle de l'INED-CREDES en 1992 (Christiane Delbes), chez des plus de 70 ans, montre que les personnes connaissent toujours le désir, ont une vie sexuelle avec des relations sexuelles complètes. Lors de la dernière étude de l'INED-CREDES et CNRS en 2007, les femmes déclarent s'épanouir plus tôt (17 ans contre 20 ans en 1992) et terminer plus tard (90 % des femmes de plus de 50 ans ont eu des relations sexuelles dans les douze derniers mois contre 53 % dans les années 1970).
Une étude menée aux États-Unis chez 2 000 hommes de plus de 80 ans montre que 55 % sont intéressés par la sexualité et que 15 % ont des relations sexuelles avec pénétration. Dans une autre étude, menée chez 1 900 sujets de 80 à 102 ans, les femmes disent tout leur intérêt pour le sexe et indiquent leurs préférences : elles vont davantage vers les caresses sans pénétration, apprécient le côté émotionnel, la romance, et elles évoquent la masturbation. Des préférences inverses de celles des hommes, qui souhaitent une érection de bonne qualité avec pénétration (d'où le succès des vasodilatateurs type sildénafil).
Le vieillissement fait que, de façon naturelle, les relations sexuelles sont moins fréquentes, mais elles existent encore.
Moins tabou
Les enquêtes révèlent aussi une autre face, l'appauvrissement de la vie sexuelle. Une femme sur trois n'a plus de relations sexuelles entre 60 et 65 ans et une sur deux après 65 ans. Les hommes de plus de 80 ans ont encore des relations sexuelles et le revendiquent. Les femmes de leur côté déplorent la réduction du nombre des partenaires. Les hommes sont moins nombreux (à partir de 84 ans, il n'y a plus qu'un homme pour quatre femmes) et plutôt à la recherche de partenaires plus jeunes… D'une manière générale, le sujet de la sexualité tend à devenir moins tabou et les personnes osent davantage parler de leur sexualité. Mais la génération des plus de 70 ans conserve une grande pudeur. D'ailleurs, il reste très difficile aux enfants et encore plus aux petits-enfants d'imaginer la vie sexuelle de leurs parents et encore moins de leurs grands-parents.
Nouveaux couples en institution
Le Dr Véronique Lefebvre des Noëttes évoque les questions spécifiques dues à l'institutionnalisation. Dans les services de gériatrie, la moyenne d'âge des hommes est de 70 ans et celle des femmes de 84 ans. Or la vie sexuelle continue. Avec l'âge, on peut devenir dépendant physiquement et psychologiquement, « perdre la tête », mais pas les pulsions sexuelles, mêmes chez les sujets atteints de la maladie d'Alzheimer. En institution, il n'est pas rare de voir de nouveaux couples se former : «Nous n'intervenons pas, sauf s'il y a un abus, une des deux personnes qui n'est pas consentante. Ou bien si cela devient débordant pour les équipes, les familles ou les autres patients.»
Cela implique un travail d'équipe et des séances d'information et de formation pour éviter de commettre des maladresses et apprendre à aborder le sujet lorsque l'occasion se présente.
À l'hôpital, lorsqu'un couple se forme, il faut savoir le respecter et lui ménager une intimité. Des espaces et des moments privilégiés sont aménagés à cette fin.
Pathologies
Par ailleurs, les pathologies somatiques (douleurs, cancers urogénitaux, pathologies ostéoarticulaires…) ou psychiques peuvent parfois entraîner des troubles sexuels. Ainsi, la dépression entraîne une baisse de la libido, les démences fronto-temporales peuvent s'accompagner d'une perte du sens des convenances. Les sujets ont parfois des comportements sexuels déviants. L'Alzheimer est plutôt associé à une hyposexualité, mais parfois, au contraire, une désinhibition peut survenir ; enfin, certains délires du grand âge ont une thématique sexuelle. «Nous proposons des activités de sublimation: une sortie, des séances aux ateliers de musicothérapie ou d'art-thérapie, un soutien psychologique, un traitement médicamenteux parfois nécessaire comme les antidépresseurs, qui peuvent permettre au sujet de sortir de la dépression, de l'isolement social et de réduire une libido envahissante.L'amour n'a pas d'âge, la tendresse non plus et le désir dure tant qu'il se lit dans le regard de l'autre.»
* Le Dr Véronique Lefebvre des Noëttes occupe la fonction de psychiatre du sujet âgé à l'hôpital Émile-Roux (AP-HP Limeil-Brevannes). Elle a participé à la rédaction d'un chapitre sur la sexualité du sujet âgé dans l'ouvrage « Pour le gériatre », publié aux éditions Masson.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature